Déchéance du « Canard »
« Le Canard enchaîné » a connu, parmi ses rédacteurs, un certain nombre d’écrivains honorables, et dont le nom est resté : Roland Dorgelès, Alexandre Breffort (l’auteur d’Irma la douce), Roger Fressoz (directeur du journal sous le pseudonyme André Ribaud, et auteur du feuilleton saint-simonien La Cour), Jean Clémentin (rédacteur en chef sous le pseudonyme Jean Manan, et grand spécialiste de l’histoire du Parti Communiste), Henri Jeanson, le meilleur scénariste-dialoguiste du cinéma français, très supérieur à Michel Audiard, Pierre Combescot (Prix Goncourt, qui faisait la chronique de l’opéra sous le pseudonyme Luc Décygnes), Yvan Audouard, Morvan Lebesque, et pas mal d’autres.
Hélas, tout ça est bien fini, et nous avons aujourd’hui des technocrates qui nous abreuvent de mots et expressions incorrectes mais à la mode, comme au final (j’en ai parlé il y a quelques jours) ou incontournable. Tous écrivent de manière d’autant plus ennuyeuse que les articles du « Canard » sont à présent « rewrités », comme on dit, afin de donner à son contenu un aspect uniforme qui devrait nous faire regretter l’époque où ce journal était drôle, varié, et... bien écrit.
Ainsi, ce matin, dans un article de l’ennuyeux Érik Emptaz, co-rédacteur en chef, je relève cette phrase : « La CGT, de son côté, n’a pas vu de changements suffisants pour l’inciter à renoncer à continuer de réclamer l’abandon pur et simple du projet ». Quatre verbes à l’infinitif, à la queue-leu-leu. Plus lourd et maladroit, impossible !
J’aurais honte d’écrire comme cela. Le seul écrivain survivant au sein de la rédaction, c’est Sorj Chalandon.