Faire parler ceux qui ne savent rien
Quelle dignité, sur France Inter ! Comme ses journalistes n’ont presque aucune information sur la tuerie de Nice, on multiplie les micro-trottoirs. C’est passionnant : vous arrêtez n’importe qui dans la rue, et vous ne tarderez pas à le confesser, vu l’attrait des micros sur les badauds, incapables de résister.
Ainsi, ce type quelconque qui n’était pas là mais a failli s’y trouver. Cet autre, qui ne vit pas à Nice mais dont la mère habite la ville, quoique dans un autre quartier, et qui a tout appris par la télévision. Ça c’est de l’info, coco !
Et puis, il y a les pleurnichards, qui tiennent à nous faire savoir qu’ils sont émus aux larmes (c’est bon, les gens qui pleurent en direct, ça fait de l’audience), ou qui sont venus allumer une bougie, déposer un bouquet de fleurs, chanter une rengaine de John Lennon, ou dire qu’ils n’ont perdu personne mais qui se disent « dégoûtés » – je vous jure que je l’ai entendu –, mais gardent foi dans le « vivre ensemble ».
Pourtant, le plus beau, c’est lorsque vous pouvez décrocher une interview par téléphone d’un écrivain qui vit au Maroc et ne se fait pas prier pour débiter les habitelles banalités. Que Tahar Benjelloun n’ait été témoin de rien et dise qu’il « suppose » que le terroriste n’avait aucun complice, peu importe, lui, Benjelloun, est connu, c’est suffisant. Il va sûrement écrire quelques tweets, l’arme la plus formidable des gens connus. Après tout, quand on a tweeté, puis décrété trois jours de deuil national, on a fait l’essentiel.