La construction du Palais des Tuileries
Il y a une dizaine de jours, France 2 a retracé les multiples transformations du Louvre, comme je l’ai mentionné déjà pour rappeler les ridicules prétentions de Balladur refusant de quitter SON ministère de la rue de Rivoli pour aller s’installer à Bercy. Et la télévision a longuement évoqué le Palais des Tuileries, qui fermait la grande cour du Louvre, et que la Commune de Paris a incendié le 23 mai 1871 – ce qui n’est pas ce qu’elle a fait de mieux – dans son ardeur à effacer toute trace du passé.
Mais on n’a pas raconté les circonstances de sa construction !
C’est la reine-mère Catherine de Médicis qui avait décidé de faire édifier ce palais en 1564, car elle n’aimait pas le Louvre, trop encombré, indigne d’elle. Elle avait choisi l’emplacement, à deux pas, là où aujourd’hui commence le Jardin des Tuileries, et confié cette tâche à l’architecte Philibert Delorme. Or l’endroit était déjà occupé par une fabrique de tuiles, d’où le futur nom du palais, et aussi un abattoir, qui appartenait à un certain Jean, surnommé « l’Écorcheur ». Or ce casse-pieds refusa de céder la place, préfigurant Balladur !
Mais, moins velléitaire que notre actuel président, Catherine ne donna pas dans la synthèse, et elle aurait plutôt donné l’ordre qu’on assassine l’empêcheur de danser en rond. La légende raconte qu’au moment de rejoindre ses ancêtres, le boucher remit à l’honneur la célèbre malédiction lancée par Jacques de Molay contre le roi Philippe le Bel et le pape Clément V au moment où l’on allumait son bûcher. Du moins, telle que la rappelle Maurice Druon dans Les rois maudits : « Pape Clément ! Chevalier Guillaume ! Roi Philippe ! Avant un an, je vous cite à paraître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste jugement ! Maudits ! Maudits ! Maudits ! Tous maudits jusqu’à la treizième génération de vos races ! » (Dieu, lui, se contentait de sept générations). Moins prolixe, Jean l’Écorcheur se contenta de dire à son assassin « Soyez maudits, toi et tes maîtres ! Je reviendrai ! », annonçant ainsi la réplique immortalisée par Arnold Schwarzenegger, “I’ll be back!”.
Le plus drôle, si j’ose dire, c’est qu’on raconte avec insistance qu’en effet, il est revenu. Il s’est manifesté, sous la forme d’un spectre, à Cosme Ruggieri, l’astrologue de la reine, puis à Catherine de Médicis herself, puis à Marie de Médicis le jour de son couronnement le 13 mai 1610 (la veille de l’assassinat d’Henri IV), puis à la mort de Mazarin, puis à celle de Louis XIV, puis au chevet de Marie-Antoinette, puis lors de la fuite de l’impératrice Eugénie le 4 septembre 1870. Sa dernière apparition, à l’une des fenêtres de la salle des Maréchaux, eut lieu le jour où l’on incendia le palais qui avait pris la place de sa boucherie. Après quoi, sans doute apaisé, il fit comme le monstre du Loch Ness ou les soucoupes volantes, on ne le revit plus jamais.
Néanmoins, une telle constance force l’admiration.