Mensonge au « Canard »
C’est entendu, je suis lecteur du « Canard enchaîné », et je ne compte pas abandonner cette lecture. Or le journal vient de fêter ses cent ans, et a publié, la semaine dernière, un numéro spécial, qui commémore cette naissance, avec quatre pages supplémentaires résumant sa longue carrière, dont, en premier lieu, le fac-similé de sa toute première page, datée du 5 juillet 1916. Or, cette page, je la connaissais déjà pour l’avoir vue, non pas en copie, mais dans son état originel, vers 2010, dans une exposition aux Archives nationales consacrée à l’histoire de ce journal.
Hélas, le responsable dudit fac-similé a cru devoir commenter à sa manière un épisode bien connu de la vie du journal : son directeur et fondateur, Maurice Maréchal, avait décrété qu’aucun de SES journalistes ne pourrait accepter une quelconque décoration, sous peine de renvoi immédiat. Et c’est bien ce qui est arrivé à un de ses rédacteurs, Pierre Scize, homme de grand talent, en 1933 : il a été viré instantanément par le patron.
Or cette décision était proprement dégueulasse, car Scize avait reçu la Légion d’Honneur pour avoir perdu son bras gauche en 1914, à la guerre.
Mais, dans le numéro du « Canard » dont je parle en ce moment, l’anonyme rédacteur ajoute le mensonge à l’infamie, passe sous silence ce détail capital, et prétend que Scize avait bien demandé la Légion d’Honneur, et même deux fois. C’est faux, faux et archi-faux.
On n’est pas délicat, au « Canard ». Je rappelle en passant que ce journal s’était vanté très souvent de ne jamais attaquer la vie privée de ses cibles, or il l’a fait plusieurs fois, toujours sur le thème de leur homosexualité. On détestait « les pédés », dans cette rédaction – même si cette attitude est tombée en désuétude (il y a eu un chroniqueur homosexuel, au « Canard », Pierre Combescot, titulaire du Prix Goncourt, et qui faisait la chronique de l’opéra et du ballet). Les victimes ont été José Artur, Jean-Claude Brialy, le prince Albert de Monaco et un député, André Rives-Henrÿs. Et jamais un mot d’excuse, naturellement.