Voir « Frantz » ? Pourquoi ?
Chacun peut le remarquer, les films en ce moment sont à ranger dans deux catégories : ceux inspirés de faits réels (sic), vu que les scénaristes ont « la goutte à l’imaginative », et les remakes, c’est-à-dire qu’on prend un film ancien, généralement bon et court, et qu’on en double la durée en bourrant le récit d’un tas de péripéties qui n’ajoutent rien au sens mais permettent aux patrons de salle de vendre davantage de popcorn et de sodas, puisque les salles de cinéma ne servent plus guère qu’à cela. Si Spielberg s’emparait de La corde, film d’Hitchcock qui dure une heure et vingt minutes durant lesquelles on ne sort jamais d’un appartement de Manhattan, il y ajouterait sans doute des scènes de foules, des cascades, des bagarres avec un héros accroché à un hélicoptère, des explosions, et peut-être même une ou deux soucoupes volantes.
D’autre part, il y a ce phénomène permanent : chaque fois qu’un film sort en salles, on projette dans d’autres salles ou on passe à la télévision une version précédente de la même histoire (en ce moment, Ben-Hur), ou un film du même réalisateur, ou avec la même vedette. C’est systématique et cela répond à un unique besoin : faire du buzz.
C’est pourquoi je ne ressens aucune fébrilité à me rendre en salles voir Frantz, sorti hier et qui a donné lieu à une campagne de promotion indécente, avec son réalisateur François Ozon et sa vedette Pierre Niney, qu’on a vus absolument partout. D’abord, parce qu’Ozon rate tous ses films depuis Sous le sable, en 2000, que Niney est d’une laideur à flanquer une diarrhée verte à Dracula (merci San-Antonio !), et que les efforts qu’ils ont fait – et ont demandé de faire à tous les animateurs de radio-télés – pour ne pas dévoiler la pseudo-surprise de cette histoire étaient pathétiques. En effet, Frantz est aussi un remake, d’un film d’Ernest Lubitsch, réalisateur de comédie qui faisait là son seul film dramatique, sorti en 1931, Broken lullaby, d’après une pièce de Maurice Rostand, L’homme que j’ai tué. Il n’est donc pas difficile de prendre connaissance de l’histoire : l’ancien soldat français qui va chaque année se recueillir sur la tombe d’un soldat allemand tué à la guerre de 14-18, c’est un bidasse que lui-même a tué. Et si, auprès de la famille de sa victime, il se fait passer pour un ami, c’est parce que ladite famille n’a que haine pour l’auteur du meurtre, qu’elle n’a évidemment jamais vu.
Cette grosse ficelle scénaristique explique tout le film, que du reste je ne dévoile pas puisque les Guignols ont vendu la mèche hier soir. Le reste n’est sans doute que la sauce qui fait passer le plat. Attendez plutôt que le film de Lubitsch, qui existe en DVD, passe à la télé : lui, au moins, était un grand auteur de cinéma. Ozon n’est qu’un petit cinéaste qui se donne beaucoup de mal pour être comparé à George Cukor.