Les bonnes fréquentations de Jérôme Garcin
Le dernier numéro du « Canard enchaîné », daté du 26 octobre, publie en page 8 et sous le titre La DGSE se prend une veste, un article qui donne quelques précisions intéressantes sur un certain Alain Duménil, dont j’ai parlé plusieurs fois à propos de Jérôme Garcin, le producteur et présentateur de l’émission Le masque et la plume sur France Inter. J’avais écrit que Garcin, également romancier, et aussi directeur adjoint de la rédaction du « Nouvel Observateur », s’était fait décerner, le 5 juin 2008, un prix littéraire, le prix Duménil, créé par ledit Alain Duménil, PDG du groupe de luxe Alliance Designers, promoteur immobilier, propriétaire de la société immobilière Acanthe Developpement, et à la tête d’une fortune de 468 millions d’euros. Ce richissime homme d’affaires a aussi pris la majorité dans un groupe faisant dans la mode : Jacques Fath, Emmanuelle Khanh et Jean-Louis Scherer, groupe dans lequel, détail désopilant, notre chère DGSE (les contre-espions d’État) avait pris une participation financière, avant de s’en faire expulser par l’honnête Duménil.
Pourquoi « l’honnête Duménil » ? Parce que celui-ci, qui vit en Suisse comme tous les gens honnêtes, est dans le collimateur du fisc de ce pays depuis 2013 ; est soupçonné d’avoir dissimulé une petite cinquantaine de millions d’euros de ses revenus ; et a été sanctionné d’une amende de 500 000 euros par notre Autorité des marchés financiers, l’ancienne Commission des opérations de Bourse, sans doute parce qu’il respectait trop scrupuleusement les règles de la finance. Pour bien faire, il est impliqué dans le scandale des Panama Papers, et le Conseil d’État a suspendu sa Légion d’honneur.
Par conséquent, le Prix Duménil, attribué dans un hôtel de luxe de Saint-Germain-des-Ptés, le Montalembert, à Jérôme Garcin pour son œuvre littéraire évidemment considérable (dire que le Prix Nobel est allé à Bob Dylan, alors que nous avons Garcin !), et qui consistait en la modeste somme de soixante mille euros dûment empochée par le récipiendaire, était d’autant plus justifié que le jury était composé de trois journalistes, Stéphane Denis, éditorialiste au « Figaro », chroniqueur littéraire au « Figaro Magazine » et romancier ; Marc Lambron, critique littéraire au « Figaro Madame », au « Point » et romancier ; et Éric Neuhoff, critique de cinéma au « Figaro », critique littéraire au « Figaro Madame », romancier, alors candidat à l’Académie française, chroniqueur au Fou du roi sur France Inter, et... critique de cinéma dans l’émission de Garcin sur France Inter, Le masque et la plume ! Plus le cinéaste Pascal Thomas, dont Le masque et la plume ne manque jamais de saluer avec un maximum d’éloges la sortie de ses films. Une jolie bande de bons copains, désintéressés et pas du tout corrompus.
Molière et Desproges auraient beaucoup aimé cette histoire.