L’eugénisme - 3. Aux États-Unis
De tous les pays avancés, seuls deux, à ma connaissance, ont appliqué l’eugénisme. Pas la France, cette honte nous a été épargnée, mais l’Allemagne nazie et... les États-Unis. Oui, vous savez bien, cette nation qui a inventé la démocratie (à Boston).
Passons sur l’Allemagne nazie, et voyons un peu le Pays de la Liberté.
L’idée de la stérilisation forcée a été accueillie favorablement aux États-Unis, aussi bien dans la population que dans la classe politique. Le sujet devint même un thème pour Hollywood, qui produisit des films comme Tomorrow’s children, film de Crane Wilbur, sorti en 1934, et qui racontait comment une jeune femme désirait épouser son fiancé et fonder une famille, mais en était empêchée parce que sa famille avait été jugée « défectueuse » (sic) par les autorités de santé de l’État (parents flemmards et alcooliques, frères estropiés, en prison ou ayant des problème mentaux), et qui était condamnée par un tribunal à être stérilisée pour que ses gènes défectueux ne passent pas dans ses enfants à venir ! Et, aux États-Unis, contrairement au Royaume-Uni, on passa aux actes.
Certains États votèrent des lois autorisant l’eugénisme ; en l’occurrence, la stérilisation de certaines catégories de la population. On prévoyait ainsi de l’appliquer à des épileptiques, à des malades mentaux légèrement ou gravement atteints, à toutes sortes de personnes jugées « inaptes à la reproduction » (resic). Parfois, on alla beaucoup plus loin, comme en Virginie, ainsi que je le raconterai dans une prochaine notule. Parfois aussi, des lois furent votées, mais non appliquées de façon systématique, ou pas appliquées du tout, les autorités en redoutant le caractère trop radical. Certains États, enfin, se ravisèrent et abrogèrent ces lois après les avoir votées, en les déclarant non constitutionnelles et contraires aux libertés fondamentales.
Mais d’autres États n’avaient pas ces scrupules : l’État de New York possédait un Bureau des Études Eugéniques, à Long Island, dirigé par le docteur Harry Laughlin, qui avait sous ses ordres des centaines d’enquêteurs chargés de dépister les « familles à problèmes ». Biologiste éminent, le docteur Laughlin fut chargé en 1924 de rédiger le projet de loi qui allait être soumis à la Cour Suprême, et qui imposait la stérilisation de force aux aveugles, aux sourds, aux infirmes, aux alcooliques, aux drogués, aux tuberculeux, aux syphilitiques, aux lépreux, aux criminels, aux faibles d’esprit, aux pauvres, aux sans-abri ! Le but avoué de cette loi était d’empêcher l’extension des tares et maladies héréditaires (comme si la toxicomanie ou la pauvreté étaient transmissibles génétiquement), ainsi que des autres maladies, physiques ou mentales. Mais, en fait, elle visait jusqu’à des jeunes ayant fugué ou commis des viols... ou les filles qui auraient été violées !
Mais vous verrez que c’est l’État de Virginie qui alla le plus loin. À suivre, donc.