L’eugénisme - 4. En Virginie
Hier, j’ai annoncé que, concernant l’eugénisme aux États-Unis, c’est la Virginie qui a battu tous les records. On y stérilisa plus de huit mille personnes, en majorité des enfants (jusqu’à 11 ans) et de très jeunes gens. Tous furent stérilisés dans le plus grand asile des États-Unis, la Colonie de Lynchburg, qui ouvrit ses portes en 1910 sous le nom de « Virginia State Epileptic Colony ».
Lynchburg, dans le comté d’Amherst, comptait 1700 internés, parfois placés là après un faux diagnostic : des milliers de Blancs pauvres des campagnes avoisinantes y furent emmenés de force, des orphelins, parfois des familles entières, des épileptiques, des malades mentaux. La plupart sans instruction, et décrétés « inadaptés ». Les opérés étaient détenus, astreints à travailler pour presque rien, et mis au cachot (parfois jusqu’à 90 jours de suite) en cas de « faute ». Ils avaient couramment la tête rasée, n’étaient vêtus que d’une blouse de travail, et vivaient dans des cellules minables, sans confort ni commodités. Ils étaient parfois battus.
Le premier directeur de Lynchburg fut le docteur Albert Priddy, dont le nom se perpétue grâce au Priddy Memorial Hall, qui existe toujours. Sa mission consistait à stériliser les détenus, et il fut à l’origine de la loi Laughlin mentionnée dans mon précédent article sur l’eugénisme aux États-Unis. Mais, alors même que la loi Laughlin, loi fédérale devant donc s’appliquer à tous les États, n’était pas encore votée, la Virginie prit de l’avance et vota en 1924 une loi locale autorisant les stérilisations. Les autorisations de stérilisation étaient délivrées au Palais de Justice du Comté d’Amherst. Les malades, « opérés pour leur bien », n’étaient pas prévenus qu’il s’agissait d’une stérilisation. On a parfois stérilisé des filles alors qu’elles se trouvaient enceintes.
Restreint à l’origine, le caractère des lois sur la stérilisation changea avec l’épouvantable affaire Carrie Buck, en 1927, dont je vous parlerai prochainement.