Élevage de girouettes au Front National
Sur France Inter, Bernard Guetta a fait ce matin une remarque assez judicieuse, dont je me demande si elle n’est pas passée un peu inaperçue. Cela concernait le Front National. Voici.
Lorsque De Gaulle a été rappelé au pouvoir le 1er juin 1968 par le président René Coty en tant que président du Conseil (on ne disait pas « Premier ministre », sous la Quatrième République), il s’était immédiatement rendu en Algérie, où il a prononcé quatre discours : le 4 à Alger (le célèbre « Je vous ai compris ! »), le 5 à Constantine, le 6 à Oran et Mostaganem (conclu par le très oublié « Vive l’Algérie française ! », qui gêne beaucoup aux entournures les gaullistes amnésiques). Or l’une des phrases les plus marquantes a été celle-ci, à Mostaganem : « Il n’y a plus ici, je le proclame en son nom et je vous en donne ma parole, que des Français à part entière, des compatriotes, des concitoyens, des frères qui marchent désormais dans la vie en se tenant par la main ». L’avant-veille, à Alger, c’était : « Je déclare qu’à partir d’aujourd’hui, la France considère que, dans toute l’Algérie, il n’y a qu’une seule catégorie d’habitants : il n’y a que des Français à part entière, des Français à part entière, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs ».
À cette époque, c’était quasiment l’unanimité : Français d’Algérie et Arabo-musulmans ne désiraient qu’une chose : l’intégration, c’est-à-dire que tous les Arabo-musulmans d’Algérie deviennent et restent français. Les indépendantistes étaient assez minoritaires, à ce moment précis (ça n’a pas duré). Bref, les partisans sincères de l’Algérie française ne demandaient rien d’autre !
Aujourd’hui, que voit-on ? Que les héritiers des Français d’Algérie de cette époque ont massivement rejoint le Front National, et redoutent d’être « envahis », comme disait Christine Boutin à propos des gays, par les Arabo-musulmans. Belle incohérence ! Je sais que ce ne sont plus exactement les mêmes qu’à cette époque, qu’il s’agit plutôt de leurs descendants, en partie. Mais enfin, comment peut-on en 1958 aspirer à l’intégration en France, et la condamner en 2017 ?
Il s’ensuit que le Front National est en grande partie composé de girouettes souffrant d’amnésie opportuniste. À commencer par sa présidente, qui se dit gaulliste !