Être académique, une tare ?
L’un des reproches que les critiques littéraires adressent le plus souvent aux livres dont ils parlent, c’est d’être « académiques ». Pour parler plus simplement, dans leur esprit, académisme équivaut à conformisme.
Je ne partage pas cette opinion. Un type comme Montherlant, que l’Académie française a supplié de poser sa candidature pour être accepté au nombre de ses membres, au point de le dispenser du cérémonial obligatoire pour postuler (à savoir, les traditionnelles « visites » d’avant élection chez les chers maîtres), mais pas de faire, conformément à l’article 18 du statut de cette corporation, promulgué en 1916, l’éloge de celui qui l’a précédé dans le même fauteuil – dans son cas, celui d’André Siegfried –, Montherlant, disais-je avant de me perdre dans cette phrase interminable, était tout sauf conforme. Pour moi, être académique, c’est uniquement respecter les règles et usages de la langue française, ce qui est bien le moins. Ce que je fais ici : je connais les règles, qui ne sont pas difficiles à comprendre car elles obéissent à la logique, peut-être un peu plus malaisées à retenir, et je les applique.
Pourquoi ? Non pas parce que j’ambitionnerais d’entrer sous la Coupole (je parle de la Coupole de l’Institut, pas du restaurant de Montparnasse où Macron, croit-on souvent, a invité sa bande d’amis – menu moyen à 54 euros – après son élection au premier tour de l’élection présidentielle, d’autant plus qu’en réalité, cela se passait à... la Rotonde, qui a un menu à 46 euros) ; mais, simplement, si je veux être lu, je ne dois pas indisposer les éventuels lecteurs, qui auraient vite fait de prendre le large si je me mettais à écrire comme Louis-Ferdinand Céline, dans son faux jargon populiste alors qu’il était médecin, ou comme cet imposteur de Michel Audiard, qui avait inventé à son propre usage et pour ses dialogues de films un argot bidon – que tout le monde croit, à tort, authentique –, alors qu’il savait parfaitement écrire en style, euh... académique, puisqu’il c’est ce qu’il faisait dans ses livres. Du reste, comme l’a relaté son biographe René Château dans Audiard par Audiard, « Il excellait dans l’écriture et s’irritait parfois qu’on le confonde avec les personnages qu’il faisait parler ».
Alors, excusez-moi, mais je vais continuer sur ma lancée. Et tant pis pour les critiques littéraires, qui, heureusement, ne me lisent pas, et dont les avis me laisseraient froid si je les connaissais.