Tenez-vous droit !
C’est quasiment certain, je dois être sot à m’en tuer de honte, comme répondit Christian de Neuvillette à son – pas encore – ami Cyrano, lorsque celui-ci tenta de lui donner quelques tuyaux sur la méthode à employer en vue de séduire Roxane. En effet, il y a des choses que je ne comprends pas, et que sans doute je ne comprendrai jamais. Sot, vous dis-je ! (Et ne me suggérez pas d’employer un autre qualificatif de la même longueur, comprenant la même voyelle et le même nombre de consonnes)
Au rang de ces innombrables et épais mystères, il y a celui-ci : pourquoi les pianistes classiques, lorsqu’ils ont terminé l’exécution d’un morceau, se croient-ils obligés de saluer le public comme si c’était le pape ou le tsar de toutes les Russies, en se cassant en deux, au point que leur nez se retrouve alors à trois décimètres de leurs chaussures ? Les pianistes, mais aussi les organistes, comme je peux le voir certains dimanches, lorsque je vais écouter de l’orgue à Saint-Eustache, et que mon virtuose préféré, Thomas Ospital, nous joue ce petit sketch.
Je pense qu’on peut être poli, remercier le public qui vous applaudit, et ne pas y mettre toute cette ostentation. Sans aller jusqu’au célèbre salut de Jacques Brel lorsqu’il estimait avoir terminé sa tâche d’acteur : petite inclinaison de la tête, un geste d’adieu de la main, puis il partait et ne revenait pas faire une douzaine de courbettes.
Au fait, ce mot, courbette, dit bien ce qu’il devrait vouloir dire : c’est une manière bête de faire sa cour aux spectateurs qui ont payé leur place.