Pastiche et parodie

Publié le par Yves-André Samère

Les gens qui pensent (?) trop vite ont tôt fait de confondre pastiche et parodie. Quelle erreur ! Alors, délabyrinthons.

La parodie vise à se moquer de quelqu’un : soit un personnage réel, soit un personnage fictif. Dans le premier cas, la parodie, on s’appuie sur des évènements plus ou moins imaginaires, comme ceux que jouait Louis de Funès. Dans le second cas, le pastiche, on imite fidèlement le style employé par un auteur réel, mais on applique l’emploi de ce style à une situation inventée, aux péripéties plus ou moins improbables, et rendues comiques par l’exagération.

Prenons deux exemples connus.

Le lutrin, texte en vers de Boileau, est un pastiche. Le style qu’il utilise n’est pas ridicule en lui-même, mais le rire qu’il provoque vient de ce que ce style très classique lui sert à décrire les chamailleries auxquelles se livrent, dans leur monastère, des moines au sujet d’un lutrin – ce meuble sur lequel on posait un livre religieux pour en donner lecture. Il comprend six Chants en style classique  : « Je chante les combats, et ce prélat terrible, / Qui, par ses longs travaux et sa force invincible, / Dans une illustre église exerçant son grand cœur, / Fit placer à la fin un lutrin dans le chœur ». À cette rime riche, on sent la tragédie qui pointe, et en 1204 alexandrins ! Un peu long, peut-être, mais, à son époque, on avait le temps.

La parodie du Cid, texte d’Edmond Brua (1901-1977) publié en 1942 à Alger, n’imite pas le style de Corneille, il reprend simplement l’action de sa pièce Le Cid, mais la transporte à Bab-el-Oued, quartier nord-ouest d’Alger, et fait parler en patahouète ses personnages, dont il a changé tous les noms (Don Diègue devient Dodièze, Rodrigue devient Roro, Don Gormas devient Gongormatz, et Chimène devient Chipette. Ne criez pas au scandale, ce dernier personnage a été joué par... Françoise Fabian ! Le livre, devenu très rare, est vendu très cher, jusqu’à 60 euros ! Son succès actuel vient de ce que plus personne ne parle vraiment ce dialecte, à l’exception des Français nostalgiques de l’Algérie.

Mais il faut convenir que La parodie du Cid est plus drôle que Le lutrin, n’en déplaise à Boileau. À mon avis, la Comédie-Française devrait le remettre à son répertoire, cela nous changerait des pièces sinistres qu’elle fait jouer depuis très longtemps !

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