Chirac : mort d’un coucou
Ne comptez pas lire ici quelque hommage que ce soit envers feu Chirac, politicien que j’ai toujours traité de « voleur », tendance pique-assiette, puisque jamais il n’a payé de loyer, et fieffé coucou, ayant toujours trouvé le moyen d’habiter chez les autres – bien que propriétaire d’un appartement au 120 rue du Bac, dans le septième arrondissement, alors le quartier le plus cher de la capitale, et à des conditions très avantageuses. La famille Chirac occupait en effet le rez-de-chaussée d’un pavillon de deux étages, qui jouxte à la fois de paisibles hôtels particuliers et surtout le vaste parc des Missions Étrangères, une organisation catholique comme il en existe de nombreuses dans le quartier, parc lui-même voisin de l’immense parc de l’Hôtel Matignon. L’appartement mesure 189 mètres carrés, et dispose d’une cave de 128 mètres carrés, d’un jardin privé de 525 mètres carrés, et d’une chambre de bonne. Or, le loyer n’est que de 10 000 francs par mois, plus 1200 francs de charges, ce qui met le mètre carré habitable à 58 francs (8,84 euros), alors que les prix moyens des locations, dans le voisinage, sont de 111,04 francs le mètre carré, presque le double, selon les statistiques des agences immobilières.
Ce loyer avantageux pour les Chirac ne serait qu’une bonne affaire si elle n’était que privée, et si les circonstances de la location étaient banales ; or elles ne l’étaient pas. En effet, les Chirac occupaient ce logement depuis 1977, mais ils ont failli le perdre en 1988, lors du décès de leur propriétaire : les héritiers, une famille franco-étatsunienne, manifestaient alors leur intention de vendre le logement, et en demandaient 18 millions, soit près de 100 000 francs le mètre carré. N’étant pas disposés à payer ce prix, les Chirac se voyaient ainsi en danger de changer de propriétaire, avec une probable augmentation de loyer en perspective, ou même une expulsion en fin de bail. Et, bien que somptueusement logés à l’Hôtel de Ville (1050 mètres carrés, le logement de fonction le plus vaste de la capitale), où ils dépensent 4000 francs PAR JOUR pour leurs « frais de bouche », et propriétaires par ailleurs du château de Bity et d’un appartement de 114 mètres carrés rue de Seine, les Chirac tiennent à conserver ce logement – que leur fille Claude finira par occuper.
Jacques Chirac était aussi propriétaire du château de Bity, près de Sarran, en Corrèze, la région où il se faisait élire depuis 1967 et dont il laissait croire qu’il est originaire (il est en fait né à Paris). Ledit château a été acheté le 3 mars 1969, pour la somme de 60 000 francs, prétend l’intéressé. Il avouera tardivement, dans sa déclaration de patrimoine du 13 mars 1995, l’avoir payé 200 000 francs ! Or l’édifice, qui date du seizième siècle, compte 2050 mètres carrés, sur trois étages, avec deux maisons de gardien de 110 mètres carrés, et il est entouré d’un parc de onze hectares. 200 000 francs, c’est à cette époque le prix d’un studio à Paris. Mieux : deux mois après cet achat, le château est classé monument historique par le ministre des Affaires Culturelles. Ce qui signifie que les éventuelles réparations qu’on pouvait y faire étaient à la charge de l’État, donc du contribuable. Ainsi, les époux Chirac recevaient une subvention de 60 000 francs pour restaurer leur domicile. Chirac va même jusqu’à inclure cette somme dans sa déclaration de revenus... pour mieux la déduire de ses impôts, et recommence l’année suivante. De la sorte, l’heureux contribuable ne paie aucun impôt en 1970 et 1971. Lorsqu’on lui en parle, il raconte que la Direction des Impôts l’a « obligé » à accepter cette déduction, dont bien sûr il prétendait ne pas vouloir.
Tout comme, quelques années plus tard, il prétendra « ne pas pouvoir » se rendre dans le cabinet d’un juge d’instruction, même à titre de témoin, en dépit de son ardent désir de déférer à une telle convocation ! Cette affaire ne plaît pas beaucoup au président Georges Pompidou, dont Chirac est alors l’un des ministres ; si bien que, pendant six mois, Pompidou refuse de lui serrer la main (Pompidou n’a pas de château, lui ; il n’est même pas propriétaire de son appartement parisien du 24 quai de Béthune, à Paris). Devenu Premier ministre de Giscard, et alors que les journaux remettent sur le tapis cette histoire de résidence à bon marché, Chirac tente de minimiser la bonne affaire, et prétend que c’est « un petit château », qu’il était presque en ruines au moment de l’achat, et que, d’ailleurs, « il n’a que huit fenêtres » ! Allez donc ICI compter ces huit fenêtres... Et lisez LÀ quelques détails.