Le nuage de Tchernobyl (2)
La surexposition individuelle à la radioactivité pendant les douze mois qui suivirent la catastrophe de Tchernobyl s’éleva de 0,063 mSv (millisievert) en moyenne, variant de 0,005 à 0,17 selon les régions (les plus touchées furent l’Est et le Sud). À titre de référence, un individu absorbe en France chaque année une dose totale moyenne de 3,6 mSv de causes diverses. Or l’atome, pour le gouvernement français, était une priorité économique. Il était donc impératif de ne pas affoler la population. Si bien qu’à la désinformation du SCPRI, dirigé par Pierre Pellerin, partisan à tout crin de l’atome civil, s’ajoutèrent des déclarations lénifiantes d’autres autorités, telles que celles de François Guillaume, ministre de l’Agriculture : « Le territoire français, en raison de son éloignement, a été totalement épargné par les retombées de radionucléides consécutives à l’accident de la centrale de Tchernobyl ». Pur mensonge. Renchérissant pourtant sur ces déclarations, Pellerin appelait à lutter « contre la psychose ridicule » qui gagnait la population. D’autant plus que les humoristes en firent un de leurs thèmes favoris, celui du nuage qui s’était « arrêté à la frontière de la France », plaisanterie qui dure encore.
Le caractère exagérément rassurant de ces discours eut l’effet inverse : quand, en 2000, la CRIIRAD (Commission de Recherche et d’Information Indépendante sur la Radioactivité) publia les conclusions de son enquête, deux associations – dont la Criirad elle-même, l’autre étant l’Association française des malades de la thyroïde –, et que cinquante-et-un malades déposèrent plainte contre X, un mouvement d’opinion dénonça le défaut d’information sur les dangers encourus par la population. La théorie du complot s’emballa et elle ne s’est pas affaiblie à ce jour. Comme souvent, son principal effet est d’entretenir de la méfiance et des peurs irraisonnées sans résultat probant. Le sentiment d’une vaste mystification persiste donc aujourd’hui encore.