Le nuage de Tchernobyl (3)

Publié le par Yves-André Samère

L’accident survenu en Ukraine et ses conséquences en France n’étaient certes pas un cas isolé de dissimulation des risques nucléaires : le 17 octobre 1969, un accident de la plus haute gravité était advenu à la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux, dans le Loir-et-Cher. Un chargement erroné du cœur du réacteur n° 1 avait entraîné la fusion de 50 kilos d’uranium. En 2011, l’hebdomadaire « Le Point » publia des documents jusqu’alors ignorés du grand public : EDF avait envoyé des « nettoyeurs » pour ramasser le combustible. L’un d’eux, Daniel Robert, raconta que ses collègues et lui-même récupérèrent l’uranium fondu avec des raclettes pour le mettre ensuite dans des poubelles en plomb. La durée d’activité maximale était de deux minutes. L’accident était de niveau 4 sur l’échelle internationale. Il fallut vingt-neuf mois pour réparer la centrale, qui fut arrêtée durant trois ans et demi. Le professeur Pellerin expliqua alors aux élus du département que « ce n’était pas grave ». Et le public n’en sut rien.

Plus grave : le 27 décembre 1999, une tempête et une inondation causées par une grande marée interrompirent trois réacteurs de la centrale du Blayais, en Gironde, et l’isolèrent pendant treize heures. Cela faillit être un pré-Fukushima : le maire, Alain Juppé, fut réveillé dans la nuit par le préfet, l’informant qu’il fallait songer à évacuer Bordeaux. Ce n’était qu’un incident de catégorie 2, mais le public n’en sut rien non plus. Les données sur la contamination des personnels des deux centrales sont connues d’EDF, celles de la contamination de l’environnement le sont bien moins. L’incertitude demeure.

En ce qui concerne l’accroissement des taux de cancers de la thyroïde, qui a été effectivement constaté, il semble avoir commencé vingt ans avant l’accident de Tchernobyl. Mais cela ne signifie pas que celui-ci n’ait eu aucun effet sur la santé des Français. En effet, aucune évaluation des types de poussières radioactives retombées sur le sol, ni de leurs effets additionnels, n’a été établie. Une substance radioactive peut, isolée, n’entraîner aucun effet, mais, associée à une autre, en avoir. On ignore ainsi quelles peuvent avoir été les conséquences de la consommation de produits agricoles « enrichis » de césium 137, de strontium 90 ou de phosphore 32. Nous mangeons peut-être encore des salades au césium. Et les assurances fournies par les experts n’engagent qu’eux, car on peut être expert de ce que l’on connaît, mais pas de ce que l’on ignore.

La prudence et la fidélité dans l’information possèdent au moins le mérite de prévenir les théories de complot.

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