Le mort du jour
Je ne sais plus si j’en ai parlé, mais on nous a annoncé hier la mort du chanteur Christophe. Pour être franc, cet artiste ne m’a jamais passionné, bien que je reconnaisse volontiers la qualité de ses productions. Mais je mets Brassens au-dessus de tous, donc Christophe (qui s’appelait en réalité Daniel Bevilacqua), sans être moins qu’un poète estimable, avait une voix qui ne me faisait pas grimper aux rideaux. Mais peu importe.
Ce qui m’a gêné, c’est que, toute la journée, on n’a parlé que de cet évènement. Et l’auditeur, s’il n’était pas vraiment un admirateur du cher défunt, en a eu très vite jusque par-dessus la tête, de ces tonnes de compliments posthumes. Le pire a été sans doute l’émission de Nagui sur France Inter, où il a semblé impossible de changer un peu de sujet. Or, la chose est classique, tous ces hommages ont été bâtis sur le même processus : les invités conviés à venir se lamenter au téléphone ont fait ce qu’on fait invariablement dans le même cas, ils ont parlé... d’eux-mêmes, et se sont longuement étendus sur la description de leur admiration un peu tardive et de leur relation avec le disparu. Car, enfin, de son vivant, on ne parlait guère de ce chanteur et de ses petites manies, dont celle du noctambulisme, comme si c’était une qualité majeure.
Nous avons donc été gratifiés de l’émission la plus ennuyeuse de l’année, sans la moindre variante ou la retenue la plus discrète. Mais ils sont ainsi, les artistes, égocentristes jusqu’au bout. Vérifiez lors du prochain décès, ce qui ne tardera sans doute pas.
Ah oui, j’allais oublier : mon titre. Il est irrévérencieux, je le reconnais, mais il m’a semblé qu’après avoir abandonné (provisoirement) ma rubrique Le mot du jour, je pouvais bien faire un jeu de mots à ma façon. Quitte à passer pour un homme sans cœur. Mais on ne se refait pas !