Quand De Gaulle violait le français
De tous les présidents de la République l’ayant précédé, De Gaulle était sans doute le moins ignare, le plus ignare ayant été sans conteste Sarkozy, qui s’est notamment illustré en dénigrant La princesse de Clèves, qu’évidemment il n’avait pas lu (oui, LU, pas LUE : je parle du roman, pas de la princesse !). Ainsi, Pompidou était agrégé de lettres ; Giscard, né en Allemagne, avait une teinture de la langue locale et savait un peu d’anglais ; Chirac, le croiriez-vous ? connaissait le russe et avait traduit Pouchkine, je crois, au point qu’un éditeur lui avait proposé de publier sa traduction, proposition qu’il avait déclinée ; Hollande avait « fait » trois grandes écoles, HEC, Sciences-Po et l’ENA ; et Macron avait suivi les cours de Brigitte, sans doute afin de mieux caser plus tard son jargon qu’il croit élégant...
Quant à De Gaulle, il avait débuté en écrivant une comédie, avant de passer à l’échelon supérieur et de rédiger des ouvrages militaires, ainsi qu’un autre sur l’histoire de l’Armée française, commandé par Pétain, qui refusa de lui en accorder au moins le bénéfice et l’honneur d’avoir son nom imprimé sur la page de titre, refus qui valut au futur général de cultiver sa rancune toutes les années qui suivirent, et on comprend ça ! Il tricha, aussi, en sortant, après la guerre, une nouvelle version d’un livre qu’il avait publié avant, version dans laquelle il avait inséré un passage sur le rôle capital des chars d’assaut, mais qui n’y figurait pas au moment de la première publication. Comment passer à bon compte pour un prophète...
Survolons très vite le vocabulaire très militaire du « créateur » de la Résistance française (il avait traité de jean-foutres les chefs d’État et de gouvernement européens, avant de louanger sur place le Québec libre, ce qui lui valut, de la part des Canadiens, une invitation à ficher le camp fissa, voire dare-dare). Mais, en France, nul ou presque ne semble avoir relevé une belle faute de français, commise publiquement en avril 1961, lorsque quatre généraux français s’insurgèrent contre sa politique en Algérie, alors qu’en juin 1958, il avait conclu son discours de Mostaganem par un « Vive l’Algérie française » destiné à lui valoir les sympathies des Français d’Algérie, avant qu’il décide de tourner sa veste et de s’attirer leur haine franche et massive. Ces quatre généraux, Challe, Salan, Jouhaud et Zeller, furent qualifiés par lui et avec dédain de « quarteron de généraux en retraite » – ils n’étaient pas à la retraite, ils étaient tous en activité et généraux d’armée, ce que De Gaulle n’a jamais été. Cultivé comme on le croyait, ignorait-il alors que le terme quarteron ne signifie pas quatre, mais le quart d’une centaine ; autrement dit, vingt-cinq ?
Cette bourde commise, il était difficile de la faire disparaître, car nous n’étions pas encore en 1984, et elle est restée dans les mémoires !