Souvenirs qui s’effacent ?

Publié le par Yves-André Samère

Les psys (psychiatres, psychologues, psychanalystes) ne manquent pas d’arrogance, et nous assènent leurs convictions avec toute l’autorité du scientifique, alors que, souvent, ces convictions ne reposent que sur des suppositions hasardeuses.

En voici une, de supposition hasardeuse : plus un enfant est jeune, plus sa mémoire est faillible. Autrement dit, il aura d’autant plus de mal à se souvenir des évènements si ces évènements sont lointains. Et j’ai entendu ce matin, dans un feuilleton télévisé, un de ces zozos affirmer que si on montrait chaque jour à un enfant de trois ans un dessin animé, mais que l’on cessait brusquement de lui montrer ce dessin animé, il n’en garderait plus aucun souvenir un an plus tard, et ne le reconnaîtrait donc absolument pas.

Je suis persuadé du contraire, et pardonnez-moi d’expliquer pourquoi, en citant ma propre personne.

Mes parents et moi-même avons quitté notre ville natale, pour aller nous installer au Sahara, dans une petite ville où mon père avait été nommé. Lorsque nous nous y sommes installés, j’avais un an. Mais, un an et demi plus tard, mon père a été rappelé dans l’armée, et il a dû nous quitter pour plusieurs mois. Dix-huit mois, en fait. Or, peu avant son départ, mes parents et moi étions allés voir un film dans le seul cinéma de la ville, et une scène m’avait frappé : elle se passait en Afrique, et on y voyait des Noirs assez légèrement vêtus et qui dansaient une danse locale, en agitant leurs boucliers et leurs lances. Cette séquence, montrant une scène que je n’avais évidemment jamais vue dans la réalité, s’était gravée dans ma mémoire, et y était restée des années entières. Un paquet d’années, et je ne l’ai jamais oubliée, seuls le contexte et la signification de ce que j’avais vu m’échappait.

Mon père n’est revenu au sein de notre famille qu’un an et demi plus tard, alors que ma mère et moi avions regagné notre ville natale, et jamais nous ne sommes retournés dans notre ancienne ville saharienne. Mais le souvenir des Noirs dansants persistait, malheureusement j’étais incapable de dire de quel film il s’agissait !

Or, bien des années plus tard, regardant la télévision sur Arte, je suis tombé sur le même film, très reconnaissable, avec la même scène exactement. Et j’ai enfin pu mettre un titre sur ce film très connu, puisqu’il s’agissait du premier film de Tarzan, avec Johnny Weissmuller, intitulé Tarzan the Ape Man (en français, Tarzan l’homme singe).

Comment le souvenir de la fameuse scène de danse était-il resté gravé dans ma mémoire et durant autant d’années, aucun charlatan expert en psychiatrie ne l’aurait jamais expliqué, car il contredisait toutes les théories bien tranchées de ces messieurs !

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

D
J'avais deux ans et demi quand mon grand-père est mort sous nos yeux, mon frère ma cousine et moi. Sur un banc du Parc Bordelais. En effet, je ne me souviens pas de cela. Mais ce dont je me souviens, c'est que sur les genoux de mon grand-père, il m'avait fait goûter une coupe du champagne, que j'avais mordue, et que j'ai cassée. Évidemment, hurlements des femmes de la famille, et tous les gestes nécessaires pour me "sauver". Ce dont je me souviens, c'est que je ne voulais pas qu'il soit grondé. C'est resté gravé en moi comme la configuration de la pièce où nous déjeunions. Personne, évidemment, ne se souvenait de cet incident (pour les offusqués par le geste de mon grand-père, il ne voulait guère que me faire partager une goutte du verre que je devais réclamer). Il avait eu un père plutôt porté sur la bouteille, et lui détestait cela.<br /> Deux ans et demi au maximum puisque j'ai la date butoir de son décès. La mémoire des enfants est beaucoup plus complexe que ne veulent dire les psymachins.
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Y
Tout est là, justement : c’est complexe, très loin des simplifications abusives des pseudo-spécialistes. Il n’y a que des cas particuliers, desquels on ne peut tirer aucune conclusion générale, aucune règle s’appliquant à tout le monde. Je vais écrire le récit de ma vie au Sahara, qui contredit pas mal d’idées reçues, notamment au sujet de la solitude, dont je n’ai jamais souffert.