Enjoliveurs-4 : « concertation »
Pour une fois, soyons indulgents : le mot, qui n’est pas absurde, encore moins incorrect, a été créé par un académicien ; ou plutôt, par un homme qui ne fut reçu à l’Académie française que bien après la création de ce mot, sans d’ailleurs avoir écrit de livre qui vaille. Il s’agissait de Michel Debré.
Cet homme politique vendit son âme en devenant, en janvier 1959, le Premier ministre de De Gaulle, qui l’avait placé à ce poste pour y faire la politique contraire de celle qu’il préconisait quelques mois auparavant (Debré était un partisan acharné de l’Algérie française, en foi de quoi, fidèle jusqu’à l’absurde à son cher Général, il dut œuvrer à son corps défendant pour l’indépendance de ce pays) ; puis, déchu de ce poste après la signature des Accords d’Évian, il accepta quelques années plus tard, sous Pompidou, des portefeuilles ministériels moindres, aux Finances et aux Affaires Étrangères. Et c’est, je crois, en cette qualité qu’il lança le mot concertation.
Jusque là, lorsque des adversaires politiques se réunissaient pour discuter, on disait qu’ils tenaient une conférence. Ce qui suppose que les deux parties étaient de rang égal. Or, à je ne sais plus quelle occasion, le gouvernement français dut accepter une discussion avec je ne sais plus quelle faction que Debré considérait comme indigne de cet honneur, et le mot conférence le rendait malade.
C’est ainsi qu’on raya conférence du vocabulaire employé à cette occasion, et que l’on créa concertation, à partir du verbe se concerter, ce qui était logique... mais relevait néanmoins de la com’, déjà ! Le mot est resté.