Bourde à répétition
Faisons un peu dans l’insignifiance, c’est-à-dire, parlons de la radio et de la télé. Samedi, sur Canal Plus, Thierry Ardisson recevait dans son émission un écrivain africain, un homme qui a curieusement pris un pseudo féminin, Yasmina Khadra. Beaucoup de bien a été dit par lui sur cet écrivain, qui venait là pour une noble cause : se plaindre de n’avoir pas été mis sur la liste des romanciers goncourables, et donc de n’avoir aucune chance de remporter le Prix Goncourt. Et Ardisson, qui se fait écrire ses vannes par des employés pas forcément très doués, a dit de lui qu’il avait par avance « le Prix Vert ».
Aujourd’hui, sur France Inter, Ardisson est invité au Fou du Roi de Stéphane Bern, mentionne le même écrivain Yasmina Khadra, rappelle que c’est injuste qu’il n’ait aucune chance d’avoir un prix, et l’une des chroniqueuses de l’émission, Charlotte Bouteloup, s’approprie la vanne entendue samedi et, sans citer sa source, répète que l’écrivain a droit au « Prix Vert ».
Le prix vert (sans majuscules) n’est pas un prix littéraire, c’est l’étiquette sous laquelle la FNAC désigne les réductions de prix des articles qu’elle vend, de temps en temps et temporairement, avec un rabais entre 15 et 25 %, à titre publicitaire et bien sûr temporaire. Or, si cette réduction vaut pour les CD, les DVD et les logiciels, cela ne s’applique JAMAIS à un livre, pour la bonne raison que, depuis 1981, la loi Lang interdit toute remise supérieure à 5 % sur le prix des livres. Ceux-ci ne peuvent être vendus à prix « cassé », comme on dit bêtement, que dans les librairies spécialistes des soldes d’éditeur – jamais à la FNAC, par conséquent. Et plouf !, la pauvre vanne doublement utilisée tombe à plat.
Je ne parle de cela que pour rappeler aux éventuelles deux ou trois personnes qui me lisent tout à fait accidentellement qu’on doit prendre avec des pincettes ce qu’on entend dans les radio-télés. Chroniqueurs et journalistes ne font que se piller les uns les autres, et si l’un d’eux sort une bourde, elle est répercutée ad infinitum par l’ensemble de leurs petits confrères. En fin de compte, chacun finit par la tenir pour une vérité, mais il y a loin de la sottise collective à la réalité pure.