L’honneur du « Canard enchaîné »
On a beau préférer « Le Canard enchaîné » à « Charlie-Hebdo », journal horriblement mal écrit, il faut néanmoins reconnaître que le premier ne se mouille plus beaucoup. Il est loin, le temps du combat contre De Gaulle et sa police secrète (les fameuses « barbouzes »), ou, plus tard, contre Giscard et ses diamants.
C’est ainsi que l’hebdomadaire a constamment évité de taper sur Mitterrand, qui était pourtant bien pire que tous ses prédécesseurs. Il n’a guère écrit sur l’affaire scandaleuse des Irlandais de Vincennes, envoyés en prison grâce à des preuves fabriquées, a peu insisté sur le « Rainbow Warrior », et a constamment ménagé Roland Dumas – qui avait été son avocat. La mise à disposition des ressources de l’État au service de Mazarine Pingeot ne lui a rien inspiré, il a été très discret sur Roger-Patrice Pelat et les autres relations milliardaires de « Tonton », dont Maxwell et Berlusconi, et a laissé à d’autres enquêteurs le suicide mystérieux – et unique dans l’histoire de la République – de François de Groussouvre à l’Élysée. Enfin, l’affaire véreuse des écoutes téléphoniques au profit de Mitterrand, qui a provoqué le suicide d’un capitaine de gendarmerie injustement accusé, n’a pas ému le journal. Mitterrand avait du sang jusqu’aux sourcils, mais « Le Canard », jusqu’au bout, l’a considéré avec une ironie affectueuse hors de propos et, disons-le, déshonorante.
Et puis, il y a eu ce silence dans l’affaire des caricatures de Mahomet. Seul de toute la presse française, « Le Canard enchaîné » n’a publié aucune défense des caricaturistes. C’est son concurrent « Charlie-Hebdo » qui a tout pris et s’est appuyé un procès, qu’il a d’ailleurs gagné. On croyait « Le Canard » anticlérical, pour son honneur, on se trompait sans doute...
Quoi qu’il prétende, « Le Canard enchaîné » n’est PAS l’honneur de la presse française.