Pavé de l’ours
Chaque fois qu’un écrivain est reçu dans un studio de radio ou sur un plateau de télévision, il ne manque jamais un ahuri pour dire de son livre que « Ça ferait un film formidable ! ». Il faut croire que l’invité doit s’estimer flatté.
Et, en effet, je n’en ai jamais entendu un seul protester. Pourtant, il y aurait de quoi. On rêve d’un auteur qui dirait à peu près ceci : « Je vous remercie, vous croyez me faire plaisir, et cela part d’un bon sentiment. Mais votre appréciation ne me fait pas plaisir du tout, au contraire, elle me vexe. Vous semblez affirmer que mon livre est du niveau de ces histoires qu’on peut voir dans les films, dont les neuf dixièmes sont si mauvais qu’ils s’écrasent au bout d’une semaine ou deux. Et vous ne tenez aucun compte du style que j’ai adopté en l’écrivant. Si on me faisait une offre d’adaptation au cinéma, je refuserais ; car, en acceptant, j’accepterais aussi un tripatouillage de mon travail, qui le réduirait à néant ou peu s’en faut. Moi vivant, on n’adaptera pas un de mes livres au cinéma – sauf versement d’une somme énorme, bien entendu, à titre de pretium doloris ».