De profs et de flics...
Pourquoi les professeurs acceptent-ils que leurs élèves les qualifient de « profs » ? Et si c’est par crainte d’être impopulaires, voire molestés, pourquoi acceptent-ils, entre eux, de se désigner eux-mêmes ainsi ?
Pourquoi les policiers acceptent-ils qu’on les traite de « flics » – quoique pas ouvertement ? Et surtout, pourquoi eux-mêmes se désignent-ils ainsi, notamment dans les livres que certains publient sur leur métier ?
Pourquoi les gardiens de prison acceptent-ils d’être traités de « matons », et de n’être jamais appelés autrement ? Rappelons que ce terme est une insulte.
Pourquoi les écrivains que l’on reçoit en interview à la radio ou à la télévision acceptent-ils que le journaliste, même bien intentionné, désigne rarement leur livre par un terme autre que le mot « bouquin » ? Pourquoi eux-mêmes, à défaut de protester, reprennent-ils ce terme comme s’il les flattait ?
Vous connaissez beaucoup d’entrepreneurs de pompes funèbres qui acceptent de se faire traiter de « croque-morts » ? De domestiques qui acceptent d’être appelés « larbins » ? De journalistes qui acceptent l’étiquette de « plumitifs » ? De garçons de café qui acceptent d’être appelés « loufiats » ?
Il existe donc des professions où l’on accepte d’être désigné de manière dévalorisante, voire insultante. Pas toutes, mais elles sont nombreuses. Pourquoi ? Parce qu’il semble de plus en plus naturel d’admettre les termes argotiques, voire grossiers, comme s’ils étaient allaient de soi ? Parce que le nivellement des couches de la société entraîne le nivellement du langage, et au niveau le plus bas ?
Dans mes modestes écrits sur le cinéma, je dénonce souvent les faiseurs de sous-titres, qui jamais ne traduisent to work par « travailler », mais toujours par « bosser », quel que soit le personnage qui parle, son âge, sa classe sociale, son métier ; cela, simplement parce qu’eux-mêmes, les faiseurs de sous-titres, parlent ainsi et n’imaginent pas qu’ailleurs on puisse s’exprimer autrement. Ce n’est qu’un exemple, je peux en trouver cent.