9 novembre, ou 10 novembre ?
La manie commémorative, chez nous, fait des ravages, et il faudrait commencer à faire gaffe. Comme l’écrit Neal Stephenson dans un de ses romans, « la plupart des adeptes de commémorations sont des geignards. Ils pensent que tout le monde a mauvaise conscience à cause des holocaustes passés, que la nature humaine va se transformer comme par miracle, et que personne à l’avenir ne voudra plus commettre de génocides ».
Bien. Mais qu’au moins, si on commémore ceci ou cela, qu’on soigne les détails, et qu’on commence par ne pas se tromper bêtement sur la date de l’évènement commémoré. Ainsi, voilà moins de deux semaines, on commémorait la démolition du Mur de Berlin, rebaptisée « chute » par les pouvoirs médiatiques, lequels ignorent le sens des mots. Cette commémoration a eu lieu pour le vingtième anniversaire de la grande fiesta, dont je n’ai pas besoin de vous rappeler que Nicolas Sarkozy a donné le signal en arrivant à Berlin dès le matin du 9 novembre 1989. Or « Le Canard enchaîné » de cette semaine révèle que le premier coup de pioche dans la muraille – censée protéger des miasmes de l’Ouest le paradis des prolétaires – n’avait été donné que dans la nuit du 9 au 10, très précisément à 1 heure 27. Or, à 1 heure 27, nous ne sommes plus le 9, mais le 10 ! On se croirait à la télévsion, où les émissions qui passent après minuit n’en sont pas moins mentionnées à la date du jour qui précède.
C’est ballot. Pour respecter la vérité historique, il faudrait refaire, comme c’était la mission des archivistes de 1984, tous les articles de journaux publiés depuis. Sans compter qu’on devrait aussi modifier tous les enregistrements sonores de la totalité des journaux radio-télévisés sur deux décennies...
Mieux vaut donc ne rien changer. Oublions l’information, comme d’habitude, et restons-en à la version que tout le monde croit vraie.