« Boomerang » sur Canal Plus
Bon documentaire mercredi soir 21 mars, sur Canal Plus. Sujet : les téléphones mobiles. Mais pas sous l’angle de la retape nous incitant à nous porter acquéreur de ces gadgets qui servent de moins en moins à téléphoner, et nous rendent de plus en plus ridicules : voyez le nombre d’ahuris qui déambulent dans les rues, le nez baissé, dans la contemplation de leur écran sacré. Et comme c’est mon jour de bonté, je ne mentionne même pas ceux qui semblent parler tout seuls, écouteurs dans les oreilles et micro sous le pif.
Le reportage était dû à Diego Buñuel, petit-fils de qui vous savez, et très bon journaliste. Et son film, Boomerang, était structuré en trois parties pertinentes : une dans l’est du Congo, dans la province du Kivu, endroit loin de tout, où l’on extrait du sous-sol une matière première, la cassérite (c’est un oxyde d’étain), indispensable pour les soudures des circuits du téléphone. Les mineurs, appelés ici « creuseurs », ne sortent guère de leur mine, trente mètres sous terre : ils y travaillent, y mangent, y dorment, n’émergeant de leur trou que rarement, et, bien entendu, pour un salaire minable, dont les racketteurs, théoriquement rebelles au Pouvoir central, les délestent en surface pour qu’ils n’aillent pas faire de folies avec. La deuxième partie nous emmenait à Shenzhen, énorme ville chinoise entièrement consacrée à l’industrie électronique : l’une de ses usines compte... cinq cent mille ouvriers ! Travaillant dix ou douze heures par jour, parfois davantage, mangeant et dormant sur place, et payés 185 euros par mois, ils permettent de sortir des chaînes vingt téléphones par seconde en moyenne ! Enfin, la dernière partie décrivait l’Inde comme une des poubelles de l’Occident, puisque les téléphones, démodés quelques semaines après leur sortie, sont jetés pour être remplacés, et que ces déchets aboutissent dans les décharges de ce pays, bien que la loi locale interdise ce genre de trafic. Il faut dire que les appareils électroniques en général et les téléphones en particulier sont bourrés de métaux précieux, de véritables poisons souvent (cuivre, plomb, étain), mais qui coûtent cher et donc peuvent resservir : il y a, notamment, de l’or dans tous ces circuits, et on le récupère pour en faire des bijoux ! Activité très rentable pour les patrons de ces entreprises de récupération.
Lorsque vous téléphonerez à un copain pour lui poser une question aussi capitale que « T’es où ? », pensez un peu à tout ça.