« Bruire » contre « bruisser »

Publié le par Yves-André Samère

Il arrive encore de temps en temps que des visiteurs arrivent jusqu’ici, parce qu’ils veulent savoir si on doit dire bruire ou bruisser. J’ai abordé ce sujet trois ou quatre fois, mais, rien que la semaine dernière, j’ai entendu ou lu à plusieurs reprises le verbe bruisser... qui n’existe pas, comme l’a confirmé l’Académie française le 13 novembre 1969. Il n’y a que le verbe bruire, en dépit de tout ce que vous affirmeront un tas de sites Internet, tenus, soit par des ânes, soit – encore plus fréquemment, car je veux être aimable – par des gens qui craignent de rater le dernier métro ou de contrarier les foules (on me souffle dans mon oreillette que ce serait le cas du dictionnaire Robert, célèbre pour entériner toute faute qui devient fréquente, mais je ne possède PAS le Robert, ne voulant pas encombrer ma bibliothèque avec n’importe quoi).

C’est que, nous précise César-Pierre Richelet (1626-1698, auteur du Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, plusieurs nouvelles remarques sur la langue françoise : Ses Expressions Propres, Figurées & Burlesques, la Prononciation des Mots les plus difficiles, les genres des Noms, le Regime des Verbes avec Les termes les plus connus des Arts & des Sciences, le tout tiré de l’usage et des bons auteurs de la langue françoise – et si vous connaissez un titre plus long, prière de me le faire savoir !), ledit verbe « n’est guère usité qu’à l’infinitif, et encore ne l’est-il pas beaucoup ». Autant dire qu’au dix-septième siècle, il embarrassait déjà les Français ! Richelet détaille donc le présent de l’indicatif : je bruis, tu bruis, il bruit (et pas « il bruisse », par conséquent), nous bruissons, vous bruissez, ils bruissent.

Antoine Furetière (1619-1688, auteur lui aussi d’un Dictionnaire réputé), ajoute au présent un futur (avec je bruirai) et un passé composé (avec j’ai brui), ce qui ne semble pas extravagant.

Quant à roi des auteurs de dictionnaires, Émile Littré (1801-1881), il n’ajoute que l’imparfait (avec je bruyais) et le participe présent (avec évidemment bruyant, qui n’étonne personne).

Ce sont les romantiques qui ont inventé bruisser, d’abord à l’imparfait, mais Littré expliquait cela par une confusion, car ils avaient « pris ce verbe comme si, s’écrivant “bruir”, il se conjuguait sur “finir” », ce qui a donné je bruissais et bruissant. Et, dans la foulée, on est ainsi passé du troisième groupe au premier ! Pour en savoir davantage, voyez plutôt ICI.

Mais si vous tenez à parler et à écrire correctement, abstenez-vous, ou vous ferez figure de plouc.

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