C’est sûr, ou c’est sur ?

Publié le par Yves-André Samère

J’ai bien dû, une fois ou deux, dire ici que, si j’appliquais les suggestions – raisonnables – que l’Académie française a faites en 1990 au sujet de l’orthographe, je ne comptais pas me rallier à sa proposition de supprimer l’accent circonflexe. Or « Le Canard enchaîné » de cette semaine, dans sa page 3, en haut de la colonne 3, me fournit un bon exemple. L’article est de Sorj Chalandon, écrivain à l’esprit torturé (pour son manque de simplicité, Sartre aurait sans doute qu’il écrivait bêtement), que j’avais déjà épinglé ici et par courrier électronique : il avait rédigé la critique d’un film, qui n’était pas sorti à la date où l’article avait été publié, et je l’en avais raillé un peu. Chalandon m’avait répondu que ce n’était pas sa faute, et que la salle de cinéma avait modifié son programme en catimini. En quoi il avait tort : quand un cinéma repousse la sortie d’un film, il prévient l’agence qui renseigne tous les journaux, justement pour éviter qu’une critique paraisse plusieurs jours ou plusieurs semaines à l’avance, ce qui sabote sa fréquentation. Chalandon pouvait se renseigner et faire reporter son article. Lorsque je rédige la critique d’un film que j’ai vu un mois ou plus avant sa sortie, je vérifie qu’il est bien en salles avant d’écrire qu’il est sorti.

Donc, dans son article de cette semaine, non seulement Chalandon traduit de travers le mot anglais hoax, dont il croit qu’il désigne une calomnie alors qu’il s’agit d’un canular, mais il fait un jeu de mots qui tombe à plat, car ce jeu de mots ne marche qu’à l’oral, et ne veut plus rien dire à l’écrit. Il s’agit du mot sur, non pas la préposition, mais l’adjectif. Oui, sans accent circonflexe. Ainsi écrit, cet adjectif signifie aigre, et Chalandon écrit donc « Source sûre, source aigre ». On voit bien que l’ambiguïté nécessaire à un bon jeu de mots tombe automatiquement, dès qu’on peut LIRE le mot ambigu. Le pauvre écrivain du « Canard » n’a aucune chance de se produire au Point-Virgule ! Il a voulu faire le malin, et il s’est ramassé une gamelle.

Je sais que Thierry Le Luron, qui était, lui, un véritable humoriste, a fait ce jeu de mots en public, je ne sais plus si c’était sur scène ou la radio. Guettez les rediffusions à la télé, vous finirez bien par tomber dessus. C’est sur. Pardon : sûr.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :