Chefs d’État calomniés
C’est assez curieux, de constater que la réputation d’un homme important, par exemple un chef d’État, peut être ruinée par deux ou trois littérateurs – voire par un seul.
Voyez Néron, par exemple. Empereur romain tout à fait acceptable, l’un des meilleurs en réalité car son règne n’a connu aucune guerre, il passe pour un monstre parce qu’on a écrit sur lui des horreurs. Responsables : Suétone, de son temps, avec son Histoire des douze Césars (mais les historiens du temps de Néron appartenaient tous à l’aristocratie, et ont voulu lui faire payer le mépris dans lequel il tenait cette classe sociale) ; puis Racine, avec son Britannicus, fort peu sérieux historiquement (il fait de Britannicus un jeune homme, alors que ce garçon est mort à treize ans) ; Sienkiewicz enfin, avec son Quo vadis ?, qui se voulait en réalité la transposition dans le monde romain des malheurs de la Pologne. Russe, alors, Néron ?
Plus tard, Richard III, roi d’Angleterre, le dernier de la dynastie Plantagenet, et qui ne régna que deux ans avant de se faire tuer dans une bataille à Bosworth contre son cousin Henry Tudor, a été accusé de tout, mais comme c’était le fait de Shakespeare lui-même, on a peu remis en question cette réputation de tueur d’enfants par sicaire interposé. Or rien n’a jamais prouvé que Tyrell ait étouffé les deux enfants d’Édouard, le frère de Richard, à la Tour de Londres. En réalité, sur cette double mort, on ne sait à peu près rien. Je reviendrai peut-être sur cette affaire, car elle est très intéressante.