Christine Albanel hors-la-loi
Ne racontez pas que vous avez oublié Christine Albanel ! Ici, on en a parlé deux ou trois fois, toujours pour se payer sa bobine, car, en sa qualité (si l’on peut dire) de ministre de la Culture, elle avait dû défendre la loi Hadopi alors qu’elle n’y croyait pas – circonstance qui semble assez constante sous le règne de Sa Majesté l’empereur Nicolas III.
Puis Cri-Cri a été virée, sans doute parce que son excès de compétence faisait honte aux autres ministres. Et elle est allée se recaser dans le privé, forte d’un carnet d’adresses qu’elle avait copieusement rempli durant son passage au ministère. Classique.
Où, dans le privé ? D’abord, chez Orange, l’opérateur téléphonique, ex-France Télécom, où elle était directrice de la communication – entendez, du bourrage de crânes. Déjà, c’était douteux du point de vue de l’article 432-13 du Code pénal sur le « pantouflage », qui interdit en principe à un ancien « fonctionnaire ou agent d’une administration publique » de « prendre ou de recevoir une participation par travail, conseil ou capitaux » dans une entreprise sur laquelle il a pu avoir de l’influence dans le cadre de ses fonctions publiques. Or, comme ministre de la Culture, elle avait eu aussi la tutelle des entreprises fournisseuses d’accès au téléphone. La loi disait donc qu’elle n’avait pas le droit de rejoindre Orange avant trois ans, délai largement non respecté ! Reste seulement à savoir si un ancien ministre peut être considéré comme un ancien « fonctionnaire ou agent d’une administration publique », et c’est sur cette ambigüité que misent tant d’honnêtes ministres, afin d’éviter le tarif prévu : deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende.
Mais madame Albanel vient de quitter ce poste pour aller prendre la tête de Studio 37, filiale d’Orange qui s’occupe de production cinématographique. Une belle promotion et un salaire bien supérieur ! Et c’est là que rien ne s’arrange vis-à-vis de la loi. Ministre de la Culture, Cri-Cri avait fait voter la loi Hadopi qui protège les studios de cinéma, et elle exerçait la tutelle sur le Centre National de la Cinématographie (le bien connu CNC), qui accorde aux producteurs les trop fameuses « avances sur recettes » sans quoi il n’y aurait pas de cinéma français, et qui nous vaut de sortir près de deux cents films par an (dont les neuf dixièmes vont au placard au bout d’une semaine, mais c’est une autre histoire). Bref, elle dirige à présent le Conseil d’administration de la firme qui a produit des films comme Fatal, Gainsbourg (vie héroïque), Welcome ou Coluche, l’histoire d’un mec.
Un peu douteux, non ? Mais en France, on s’entend à faire des lois. Pour ce qui est de leur application, on est plus sélectif.