Cuisine et dépendance
La chose avait eu lieu dans un restaurant, probablement pour justifier l’expression cuisine politicienne. Deux couples de carnassiers s’affrontaient, les Chirac et les Sarkozy. Le lion – vieilli, usé, fatigué, mais toujours bâfreur – et le roquet (laissons de côté les potiches). Pourtant depuis 1988 et son altercation avec Fabius, on pensait que Chirac n’aimait pas les roquets. Mais quand il s’agit de se partager une cuisse d’antilope, on se réconcilie provisoirement.
L’antilope, ce soir-là, c’était le contribuable français. Garniture, si on ose ce grand écart sémantique : le récurrent feuilleton des emplois fictifs de la mairie de Paris, où Chirac a passé dix-huit ans, entre 1977 et son élection à l’Élysée, en 1995. Il en profita pour voler une fortune aux contribuables parisiens – je dis bien VOLER –, entre les quatre mille francs quotidiens de frais de bouche et les salaires que percevaient de faux employés de la mairie, qui, en fait, ne travaillaient que pour lui. Bilan : 2,2 millions d’euros VOLÉS – je dis bien VOLÉS, ou alors les mots n’ont plus de sens.
Menacé d’un procès, Chirac, qui n’a jamais payé quoi que ce soit de sa vie entière, pas même un simple loyer, est donc attaqué en justice, à la fois au civil et au pénal. Au pénal, puisqu’il a violé la loi, le vol restant un délit ; au civil, puisqu’il ne peut pas couper à l’obligation de rembourser ce qu’il a VOLÉ – je dis bien VOLÉ, histoire de faire contrepoids à ce qu’écrivent les journaux, toujours si pleins d’une exquise urbanité à l’égard des VOLEURS.
Lors du dîner cité plus haut, Chirac obtint de Sarkozy que, sans surprise, d’autres paient à sa place. Il a tellement l’habitude ! On sait ce que c’est... Il fut donc convenu que l’UMP paierait les deux-tiers de la facture, soit 1,65 millions d’euros, et que Chirac paierait le reste sur ses petites économies. Et comme le temps arrange tout, on a appris ce matin que l’UMP ferait un petit effort supplémentaire et paierait, non les deux-tiers, mais les trois-quarts. C’est un peu mieux, mais patientez, cela peut encore évoluer.
Certes, l’UMP n’a rien à cirer de Chirac, puisque ce parti n’a été créé que pour soutenir la candidature de Sarkozy à l’élection présidentielle, et que ce vivier de bons domestiques doit tout à l’agité de Neuilly. Ce pour quoi, d’ailleurs, elle n’a pas eu son mot à dire quant à sa participation involontaire dans ce marché de dupes. Mais le Chef a décidé... Or l’UMP, comme tous les partis politiques, serait bien incapable de vivre avec les cotisations de ses adhérents – les autres partis non plus, du reste. Ce qui lui permet de vivre, c’est la subvention que lui verse l’État, et qui est prise, bien entendu, dans la poche des contribuables. C’est-à-dire nous, que nous militions ou non au parti sarkozyste.
Cher Français, et surtout chers Parisiens, soyez heureux : c’est vous qui allez rembourser l’argent qu’on a pris dans vos poches ! Vous ne trouvez pas cela comique ?