Culte
D’abord, une remarque : en anglais, le mot cult signifie aussi secte. Mais la majorité de nos compatriotes (j’évite d’écrire « les Français », sinon je vais encore me faire engueuler pour généralisation abusive) n’y regardent pas de si près, et, plongeant tête baissée dans tous les contresens que provoquent les fameux faux amis, voient des cultes partout. Je m’étais bien marré, lorsque j’ai commencé, en classe de sixième, à étudier l’anglais, en constatant que le mot spectacles désigne des lunettes, alors qu’un spectacle est désigné en anglais par performance.
C’est un contresens de ce genre qui a fait qu’aujourd’hui, tablant sur cette équivoque, les pubeux ont lancé la mode du film culte, du livre culte, de la chanson culte, et, naturellement, de la vedette culte, pour peu qu’elle soit morte : Marilyn Monroe, Ava Gardner, Bette Davis, Audrey Tautou. En fait, à l’origine, un « film culte » était une pellicule qui n’avait eu aucun succès lors de sa sortie, sinon auprès d’une poignée d’admirateurs, lesquels se réunissaient pour en parler interminablement, et, Internet aidant, finissaient par faire assez de tapage pour qu’un directeur de salle le remette à l’affiche, d’où partait enfin sa notoriété. Ces admirateurs réunis en petit comité avaient tout de la secte, et l’expression est venue de là.
Aujourd’hui, puisque ce bourrage de crâne a marché, tout est « culte », y compris l’infâme ragougnasse qu’on vous sert dans les fast-foods : ah, le hamburger culte... Combien de fois a-t-on lu ou entendu que tel film était « culte », alors qu’il n’était même pas sorti ? J’ai vu ce matin une bande dessinée adaptée d’un jeu vidéo, Angry birds, illico qualifié de « jeu vidéo culte ».
Finalement, il n’y a plus que la religion pour ne pas être culte. Bien fait, elle ne finira pas sur la commode !