Déboulonnons : Voltaire
Depuis deux semaines et les attentats que vous savez, il paraît que le livre de Voltaire Traité sur la tolérance se vend comme des petits pains (au chocolat). Mais les journalistes, de France Inter ou d’ailleurs, qui sont tous des puits de culture, ne manquent jamais de citer la fameuse phrase « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort [variante : jusqu’au bout] pour que vous ayez le droit de le dire », ou quelque chose d’approchant. Admirable citation. On croirait lire BHL prêt à se battre jusqu’au bout pour la Bosnie ou la Libye, ou entendre Dieudonné à la télévision iranienne acceptant de « tomber sous le sionisme ». L’embêtant, c’est que cette phrase n’a jamais été écrite ni prononcée par Voltaire ! Par conséquent, elle prend place au musée des citations fausses – un musée immense, bien plus vaste que le Louvre, le Vatican ou l’Ermitage –, à côté de La garde meurt mais ne se rend pas, attribuée au général Cambronne, ou Du haut de ces pyramides, attribuée à un Corse dont le nom m’échappe, ou L’État, c’est moi, que Loulou-la-Fistule n’a jamais prononcée non plus, et cherchez un peu pour retrouver les citations exactes.
En fait, Voltaire, qui était assez imposteur pour inventer ce genre de phrase, ne se serait jamais battu jusqu’à la mort pour quelque cause que ce soit, vu que c’était un fieffé salopard – rien à voir avec son talent d’écrivain, comme pour Louis-Ferdinand Céline ou Pierre-François Lacenaire. Il était antijuif à un point tel que cela aurait impressionné Dieudonné en personne, et arrondissait sa fortune en possédant des actions dans le trafic d’esclaves. Et ce n’est certainement pas lui qui se serait battu pour défendre « l’infâme », terme par quoi il désignait le parti catholique, et qu’il proposait d’écraser.
Quant aux livres publiés par ceux qui s’opposaient à lui, comme le Commentaire sur la Henriade de son concurrent La Beaumelle, il les faisait saisir pour en empêcher la parution ! En réalité, Voltaire était l’intolérance personnifiée. Jean-Jacques Rousseau en a su quelque chose.