Honte au Grand Journal !
Ah les nazes de Canal Plus ! Ah les procédés grossiers employés au Grand Journal pour faire de l’audience ! Je vous explique.
Chacun sait que, le surlendemain de la tuerie à la rédaction de « Charlie-Hebdo », un autre malfrat s’attaque à un magasin de l’est parisien, Porte de Vincennes. Il tuera quatre clients et une policière. Ce rebut de l’humanité s’appelle Amédy Coulibaly, et allez donc lire en page 3 du « Canard enchaîné » de cette semaine avec quelle intelligence notre police l’avait laissé filer après l’avoir contrôlé dix jours auparavant, le 30 décembre, en compagnie de sa compagne actuellement recherchée. Sa fiche consultée aux archives des personnes recherchées (sic) indiquait clairement qu’il était considéré comme dangereux et appartenait à la « mouvance islamiste ». Passons.
Or un employé du magasin attaqué, Lassana Bathily, malien de 24 ans, a l’idée de faire descendre quelques clients dans la chambre froide, où il les enferme et coupe la réfrigération. Il n’a rien fait d’autre, leur a peut-être sauvé la vie, mais ce n’est pas prouvé, puisque le tueur ne savait rien de tout cela.
Fin de l’épisode tragique, le criminel est abattu par les forces de l’ordre, et on sort les clients de la chambre froide.
Or la Nation a besoin d’un héros, et Lassana tombe à pic. Tous les officiels jouent alors l’enthousiasme et entonnent l’air de « On a trouvé un héros ». On donne donc au héros la nationalité française qu’on lui refusait jusque là, des ministres, et jusqu’au Premier, l’embrassent publiquement, et s’il parlait avec plus d’aisance, on lui refilerait bien un poste en vue avec un salaire mirobolant. La chose s’est déjà vue, souvenez-vous de Bernard Laporte... Mais le garçon est timide, on lui arrache difficilement quelques mots, donc on vante sa discrétion.
Je n’ai rien contre ce garçon, qui a fait preuve de présence d’esprit, c’est à la télévision que je m’en prends : vous avez remarqué les deux mots que j’ai mis en italiques ? Canal Plus va les exploiter à sa manière aussi subtile qu’une histoire belge ou un sketch de Bigard, en les associant. Comment ? En invitant Lassana Bathily sur le plateau du Grand Journal – ça, c’est le plat de résistance –, et en rajoutant une cerise sur le gâteau, en l’occurrence un acteur, comme on le fait toujours, Mathieu Kassovitz, qui a joué dans un film intitulé Un héros très discret. Ouarf !
Quel rapport entre Kassovitz et le héros discret du jour ? Aucun, absolument aucun. Mais en soulignant bien face aux caméras, pour les ploucs qui n’auraient pas compris tout seuls, la pseudo-relation, l’affaire est dans le sac.
On sait depuis longtemps qu’Antoine de Caunes n’a honte de rien.