Encore un imposteur qui parle trop !

Publié le par Yves-André Samère

Vous connaissez peut-être mon goût pour démystifier les imposteurs. Ici, j’ai pu en épingler deux ou trois, comme BHL ou Jack Lang. Donc, aujourd’hui, intéressons-nous à Frédéric Bonnaud, sorte d’icône bien connue de la culture.

Ce journaliste et animateur de radio a navigué entre Radio France, « Siné Hebdo », Europe 1 (dans l’émission de Morandini !), « Les Inrockuptibles », France 2, Mediapart et Canal Plus Cinéma, avec comme spécialité le cinéma et la télévision. Or je suis tombé par hasard sur une chronique (filmée) faite sur Europe 1 en 2010, dans laquelle il flingue la série policière allemande Commissaire Brunetti – Enquêtes à Venise, qui était diffusée sur France 3 jusqu’à la semaine dernière. Dix-neuf épisodes ont été filmés depuis 2000, à raison de deux par an jusqu’en 2008 (aucun en 2007), d’un seul épisode ensuite, et la chaîne en a diffusé quatorze, l’année dernière et cette année. J’ai ces quatorze épisodes sur mon disque dur. Mais, comme mieux vaut juger sur pièces, allez donc visionner cette séquence, mise en ligne le 30 juin 2010 sur Dailymotion, je vous reprends tout de suite après.

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Donc, Bonnaud fait son intéressant, c’est-à-dire qu’il cherche à faire rire en dénigrant des gens qui ne peuvent pas lui répondre. Vous me direz que c’est précisément ce que je suis en train de faire ; mais moi, comme dit plus haut, je ne vise que les imposteurs, or Bonnaud en est un, et voici quelques indices.

Commençons par le détail le plus insignifiant, ce reproche fait d’avoir inséré dans le dialogue, doublé en français d’un téléfilm tourné en allemand, une expression, buona notte, qui signifie bonne nuit en italien (mal prononcé). Or c’est ridicule, la production allemande n’a aucune responsabilité sur le doublage commandé par la chaîne de télévision française qui a acheté son téléfilm. Donc le grief tombe à côté.

Bonnaud suppose aussi que les épisodes ne sont pas tournés à Venise, mais « dans un studio de Berlin ». Pas tout à fait : les studios de l’UFA sont dans une autre ville, au sud-ouest de Berlin, qui est Potsdam, Brandenburg (UFA Film & TV Produktion GmbH, Dianastrasse, 21, D-14482 Potsdam. Téléphone : 0049-3317060200. Fax : 0049-3317060149). Les studios Babelsberg, très connus, sont juste en face, de l’autre côté de l’August-Bebel-strasse (c’est là que Polanski a tourné The ghost writer). Bonnaud n’a pas pris la peine de se renseigner. De même, quand il affirme que les décors sont construits « en carton-pâte » : absolument ridicule, les tournages, sauf quelques intérieurs, qui sont assez rares, sont bien réalisés à Venise, en décors réels. Cette histoire de carton-pâte est récurrente, rabâchée par tout critique voulant dénigrer les procédés cinématographiques. Or il faut savoir que les décors de cinéma ne sont JAMAIS faits en carton-pâte, matière qui revient cher, qui met des heures à sécher, et qui est très peu pratique. Les décors en dur sont réalisés en plâtre, tout simplement, et les cloisons, en contre-plaqué ou en toile peinte. Mais Bonnaud, qui a sans doute interviewé des réalisateurs, parle de ce qu’il ne connaît pas, car il ne s’est pas donné la peine d’étudier la mise en scène elle-même.

Voici quelques précisions sur les lieux de tournage, garanties sans l’aide de Wikipedia. Le siège de la police n’est pas filmé dans un vrai commissariat, la façade est celle de... la nonciature (l’ambassade du Vatican). Quant à l’appartement des Brunetti, dont on montre souvent la terrasse, il est au quatrième étage du Palazzo Pisani Moretta, situé à l’intersection du Rio di San Polo et d’un canal plus petit, à deux pas du Ca’ Cappello, qui abrite le Dipartimento di Studi sull’Asia e sull’Africa Mediterranea - Sezione Vicino e Medio Oriente e Caucaso - Biblioteca di Area Linguistica (BALI) - Studi Eurasiatici (ouf !), en face du Palazzo Barbarigo, palace à cinq étoiles dont on voit la superbe terrasse dominant le Grand Canal. Je n’ai pas pu en avoir confirmation, mais je crois que le centre culturel allemand est installé dans cet immeuble. Derrière la maison des Brunetti, le clocher très pointu et très repérable d’une église, la Chiesa Rettoriale di San Polo.

Il est bien possible que les scènes censées prises à la Fenice, qui est l’opéra de Venise, aient été filmées ailleurs, dans un studio. Mais c’est assez normal, la Fenice fonctionne beaucoup, et les tournages seraient gênants. En revanche, tout le reste est bien filmé à Venise. D’ailleurs, cela se voit !

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