Et Loppsi, on l’oublie ?
Il n’y a pas que notre chère loi Hadopi (interprétez comme vous voulez le mot « chère »). Il y a aussi sa sœur Loppsi (« Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure » – et c’est vrai qu’en ce domaine législatif, le gouvernement accumule les performances, et que « Ses titres ont toujours quelque chose de rare », comme on dit de Trissotin dans Les femmes savantes).
Cette loi veut obliger les fournisseurs d’accès à « mettre en place, sur leur réseau, un logiciel visant à empêcher toute connexion à des sites à caractère pédophile », et surtout, sans aucun contrôle de l’autorité judiciaire ni procédure contradictoire (autrement dit, sans la confrontation de l’accusation ET de la défense, face à face, comme l’exige le droit français). Par conséquent, la liste des sites à censurer par blocage sera décidée par l’administration seule, et leur « caractère pédophile » ne sera pas vérifié par un juge.
Pouvoir exorbitant concédé à l’administration, donc à des fonctionnaires nullement habilités à juger quoi que ce soit dans le domaine pénal. Ils pourront ainsi le faire avec autant de pertinence que naguère les jurés des procès d’assises : en leur âme et conscience et selon leur « intime conviction ». Un prodigieux pas en avant, on s’en doute, cette notion étant éminemment élastique et obéissant à des considérations de morale personnelle – morale qui est à géométrie variable selon l’époque, selon l’humeur ou l’émotion, selon la mode – plutôt qu’à la loi.
Prenons une fois de plus l’exemple de Frédéric Mitterrand : si le gouvernement, c’est-à-dire Sarkozy, peut argüer que le ministre doit bénéficier de la présomption d’innocence (je suis d’accord là-dessus), il doit aussi réclamer ce bénéfice pour TOUS les citoyens français – ce qui, sans doute, doit bien faire rigoler Julien Coupat, maintenu au trou durant sept mois sans la moindre preuve et pour avoir lu des livres qui sentaient le soufre –, et appliquer le même principe aux personnes soupçonnées de pédophilie. Or, décider qu’une personne n’est pas innocente, c’est réservé aux juges seuls.