Fichez la paix à Jules Ferry !

Publié le par Yves-André Samère

Il y a quelques jours, je faisais ici cette remarque puissamment originale (on l’a lue et entendue des milliers de fois) qu’il est absurde de juger les évènements et les personnages du passé en fonction de critères moraux ou politiques ayant cours aujourd’hui ; c’était à propos de Jules Ferry et de son goût pour la colonisation – qu’il est parfaitement crétin de confondre avec le colonialisme.

Cette semaine, dans son éditorial de « Valeurs actuelles » qu’elle titre Avertissements, la journaliste politique Catherine Nay, qui a rédigé des tas de livres sur la politique et qu’on croyait plus futée, remet la gomme avec cette remarque, toujours concernant Jules Ferry : « Cet apôtre de l’Éducation serait aujourd’hui condamné pour propos racistes ».

Catherine Nay ne sera sans doute pas condamnée pour bêtise, mais je lui ferais bien copier cent fois cette belle maxime : « Je ne ferai plus d’anachronisme, et s’il m’arrive d’en commettre un, je me garderai bien de le soumettre au public, par crainte de me ridiculiser ». Mais comme il faut toujours juger sur pièces, voici donc les propos racistes de Jules Ferry, et, pour une fois, je vais jouer les Sorj Chalandon – rédacteur du « Canard », je le rappelle à ceux qui n’auraient pas lu mes Œuvres complètes, les veinards –, et m’autoriser une citation un peu longuette, vous êtes prévenus.

Cet affreux raciste a donc dit ceci, au mot près : « Ces devoirs [des peuples avancés par rapport aux autres peuples] ont été souvent méconnus dans l’histoire des siècles précédents, et certainement, quand les soldats et les explorateurs espagnols introduisaient l’esclavage dans l’Amérique centrale, ils n’accomplissaient pas leur devoir d’hommes de race supérieure. Mais, de nos jours, je soutiens que les nations européennes s’acquittent avec largeur, avec grandeur et honnêteté, de ce devoir supérieur de civilisation. [...] Quand nous sommes allés à Alger pour détruire la piraterie, et assurer la liberté du commerce dans la Méditerranée, est-ce que nous faisions œuvre de forbans, de conquérants, de dévastateurs ? [...] Est-ce que notre premier devoir, la première règle que la France s’est imposée, que l’Angleterre a fait pénétrer dans le droit coutumier des nations européennes et que la conférence de Berlin vient de traduire dans le droit positif [...], n’est pas de combattre la traite des Nègres, cet horrible trafic, et l’esclavage, cette infamie ? »

Alors, bien sûr, il y a le vocabulaire, race supérieure ou Nègres. Mais ces paroles ont été prononcées le 28 juillet 1885 ! À ce stade de l’Histoire, tout le monde parlait ou pensait ainsi, et la notion de race qu’on reproche à François Hollande de vouloir effacer de la Constitution n’était alors remise en question par personne. Ce n’est qu’après les atrocités nazies et la recommandation de l’UNESCO en 1950 que cette notion est devenue taboue.

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