J’ai rencontré Molière dans la rue
Ce matin, peu après 9 heures, un type m’interpelle dans la rue pour me demander si j’avais du feu. Je réponds que je regrette, mais que je ne fume pas.
Le type, qui sortait de la boîte de nuit dans la rue de la Grande Truanderie, se sentant d’humeur légère (sans doute parce qu’il avait un petit coup dans l’aile), me rétorque par cette belle maxime : « C’est pas parce qu’on demande du feu qu’on est obligé de fumer ».
Pressé puisque j’allais au cinéma, je n’ai pas répliqué. Mais j’aurais pu répondre que les brumes qui encombraient alors son cerveau l’avaient empêché de comprendre que sa phrase était boîteuse. En effet, si le premier on le désignait lui-même, puisqu’il me demandait du feu, le second on me désignait, moi, puisque je n’étais pas obligé de fumer.
Cette confusion faisait de ce gars un émule de Molière, qui, dans la tirade de l’Exempt, à la fin de Tartuffe, aligne en rafale pas moins de dix fois le pronom il, dont sept désignent le roi, et trois, Tartuffe – et une fois, les deux dans la même phrase. Pour ne rien dire des adjectifs possessifs, presque aussi nombreux.
Molière savait écrire, mais là, il s’est visiblement pris les pieds dans le tapis (rappelons qu’il avait hérité de son père la charge de tapissier du roi).