Jamais vue, la réquisition ?
Grèves un peu partout, la plupart des raffineries sont fermées, et voilà un préfet qui réquisitionne trois travailleurs desdites raffineries. Aussitôt, un syndicaliste se répand sur France Inter, et déclare que c’est « du jamais vu ».
Ce brave syndicaliste devrait bien réviser l’histoire du mouvement ouvrier et des diverses perturbations qui l’ont affecté. Il aurait découvert que la réquisition de travailleurs a déjà eu lieu. Ainsi, le 16 janvier 1963, durant le premier septennat de Charles De Gaulle, une grève de quinze jours est décrétée dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais et de Lorraine. Un mois plus tard, les négociations entre les syndicats et la Direction des Charbonnages échouent. Une semaine plus tard, trois syndicats, FO, la CFTC et la CGT, décrètent une grève générale à partir du 1er mars suivant, mais l’avant-veille de ce jour, le ministre de l’industrie décide la réquisition à partir du lendemain 28 février. Malgré cela, le 1er mars, la grève est totale dans les Houillères du Nord-Pas-de-Calais et en Lorraine. Et le 2 mars, De Gaulle, président de la République, signe le décret de réquisition du personnel des Houillères du bassin et des Charbonnages de France. L’affrontement, qui n’en reste pas là et connaît une cascade de grèves, va durer jusqu’au 4 avril.
Ces évènements ont entraîné la réforme du régime des grèves, et, le 27 juillet, l’Assemblée adopte le projet de loi qui les règlemente dans le secteur public : un préavis de cinq jours devient obligatoire.