Le bouclier fiscal expliqué à ma fille
On sait que Sarkozy n’est pas un homme riche, mais il aspire à le devenir, et il a fait un premier pas, dès le début de son quinquennat, en augmentant son propre salaire de 170 %. Et surtout, la plupart de ses amis le sont. Souvenez-vous de la soirée du Fouquet’s, au soir de son élection à la Présidence. Inutile de dire que tout ce beau monde avait contribué puissamment au financement de sa campagne électorale, employant tous les moyens pour tourner la loi, qui limite les contributions personnelles à 7500 euros. Or il est évident que renvoyer l’ascenseur, dans les milieux friqués ou politiques (c’est souvent les mêmes), va de soi, si l’on ne veut pas se voir couper les vivres du jour au lendemain, comme un vulgaire collégien privé d’argent de poche parce qu’il a écopé d’un zéro en maths.
Sarkozy a donc fait jouer la reconnaissance du ventre, et inventé le bouclier fiscal, système qu’il prétendait d’origine allemande, et dont le principe est, comme dirait Bonaldi, « d’une simplicité évangélique » : nul ne doit payer au fisc plus de la moitié de ses revenus. Ici, une petite citation, histoire de mettre plus loin en évidence l’imposture sarkozyenne : « Travailler deux jours et en donner un à l’État, pensez-vous que cela n’est pas assez ? » Ainsi, lorsque vos impôts dépassent cette limite, le fisc DOIT vous rembourser l’excédent perçu.
Or il se trouve que les dés sont pipés, et que tout cela repose sur un triple mensonge. Ce que met en évidence Le président des riches, livre des époux Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, sociologues et anciens directeurs de recherches au CNRS.
Première entorse à la vérité : les revenus considérés ne sont que partiellement des revenus du travail. La phrase « Travailler deux jours et en donner un à l’État » est donc une imposture, du fait que les revenus des riches reposent aussi sur les dividendes, les plus-values et autres revenus de leur capital – pas de leur travail ! Inutile de développer ce point, il est évident.
Deuxième entorse à la vérité : les riches escamotent DÉJÀ une partie de leurs revenus, soit grâce aux fameuses « niches fiscales », qui sont actuellement au nombre de 488 (!), que le cher François Baroin fait semblant de vouloir « raboter », soit par l’évasion fiscale, consistant à placer son argent dans des paradis fiscaux, par exemple en créant à l’étranger des filiales des entreprises qui y perçoivent les bénéfices, et en laissant en France d’autres filiales qui ne totalisent que les déficits. Système bien connu et constamment utilisé, notamment par la totalité des banques françaises. Si bien que les plus grosses fortunes apparaissent, aux yeux du fisc, comme ayant subi une cure d’amaigrissement autorisant un taux d’imposition ramené à 40 %, 30 %, 20 %, voire 0 % !
Troisième entorse à la vérité : le bouclier fiscal était censé ne concerner QUE l’impôt sur le revenu ; or, en réalité, il prend en compte, dans le calcul dudit bouclier, tous les prélèvements, c’est-à-dire les impôts directs, mais aussi les taxes et les contributions sociales, bref, tout ce qui passe par l’administration des Impôts. Ainsi gonflé, l’impôt soumis au bouclier a vite fait de dépasser les 50 % des revenus requis. On aboutit ainsi à ce paradoxe : les pauvres, qui échappent à l’impôt sur le revenu, n’échappent pas aux contributions sociales (CSG et CRDS, prélevées directement sur leur salaire), mais les mêmes contributions sociales entrent dans le calcul du bouclier des riches et font grimper le montant du chèque que le fisc leur versera en guise de remboursment !
Comme disent les djeunz, c’est génial !