Jean Sendy pillé
Eurêka ! Vous savez sans doute que l’un de mes sports favoris consiste à débusquer les escrocs en tous genres. Or, tout à l’heure, en furetant à la FNAC, j’en ai trouvé un fameux, au rayon des livres. Il s’appelle Mauro Biglino, et il a publié deux livres, Le Dieu de la Bible vient des étoiles et La Bible comme vous ne l’avez jamais lue.
D’abord, ce second titre est burlesque, attendu que je lis la Bible tous les jours, et que je n’ai pas besoin du signor Biglino pour me donner un coup de main dans cette tâche ; mais enfin, vous connaissez mes trésors d’indulgence, aussi vastes que ma curiosité malsaine. Ensuite, ces deux titres m’ont rappelé quelque chose : les six livres de Jean Sendy (1910-1978), dont la devise, gravée sur sa tombe, était « L’ambition de l’honnête homme n’est pas de tout savoir sur tout, mais de réduire au minimum le nombre de ses idées fausses ». Je vous ai déjà parlé de lui, mais un peu hâtivement (j’ignorais alors s’il vivait toujours), et si vous désirez en savoir davantage, lisez plutôt CECI. Je vous rappelle que, selon lui, qui était cultivé au-delà de ce qu’on imagine, la Bible racontait que des visiteurs venus de l’Espace avaient colonisé la Terre, créé le genre humain, et donné un coup de pouce à son évolution. Et si cela ne vous évoque rien, revoyez 2001 : l’odyssée de l’espace, le film de Stanley Kubrick et le meilleur qu’on ait jamais réalisé en science-fiction. Sendy, qui gagnait sa vie en écrivant des sous-titres de films (Le lauréat, en anglais The graduate, c’était lui) et en traduisant des romans policiers, était aussi historien, a publié six livres, que j’ai tous lus, sur le sujet de la Bible vue sous cet angle, et... le dénommé Claude Vorilhon les a pompés abondamment pour se forger sa légende du « prophète Raël » – une pure escroquerie, c’est largement prouvé.
J’ai donc extrait de son rayon l’un de ces deux bouquins de Biglino, et j’ai foncé sur les dernières pages, là où se trouve la bibliographie. Chacun sait que tout ouvrage un peu sérieux DOIT comporter une bibliographie qui fournit la liste des livres à consulter pour compléter ses connaissances, et que l’auteur lui-même est censé avoir lus pour rédiger son chef-d’œuvre (en fait, le truc est bien connu : quand vous avez terminé votre rédaction, vous allez sur Internet et vous collectez tous les titres existant qui parlent du même sujet, puis vous collez ça à la fin de votre livre, et on croira que vous avez tout lu !). J’ai donc cherché dans la bibliographie biglinesque le nom de Jean Sendy, ce qui est facile, puisque les noms d’auteurs sont en ordre alphabétique. Or il ne s’y trouve pas !
Conclusion : Biglino a fait comme Raël-Vorilhon, il a pillé le travail de Sendy et l’a recyclé, sans se référer aucunement à son prédécesseur. Au Panthéon des plagiaires, une espèce que j’adore, il aura sa place. Mais ses bouquins auront sans doute du succès, PUISQUE Jean Sendy est oublié depuis longtemps et que le public ignore son nom.