« L’auberge rouge » ? Une mystification...

Publié le par Yves-André Samère

Vous avez peut-être vu les deux versions de L’auberge rouge, celle de Claude Autant-Lara en 1951 avec Fernandel, la seule bonne, et le pitoyable remake de Gérard Krawczyk, en 2007, avec Josiane Balasko et Christian Clavier. Je doute que vous ayez vu celle de 1923, de Jean Epstein, qui était un film muet, ou celle de 1910, de Camille de Morlhon, qu’avait écrite Abel Gance : ces deux dernières, je ne les ai pas vues.

Mais on n’est pas ici pour parler de cinéma. Parlons plutôt du fait divers qui est à la base de cette histoire, que Balzac a repris, et qui s’est conclu par une triple décapitation publique, en présence de vingt mille personnes prétend-on, le 2 octobre 1833... devant l’auberge en question, celle de Peyrebeille, sur la commune de Lanarce, en Ardèche. Les assassins – je ne parle pas du bourreau – étaient Pierre Martin, sa femme Marie Breysse, et leur commis, un nommé Rochette. Comme tout le monde le sait, ils étaient accusés de tuer les voyageurs qui séjournaient dans leur auberge, afin de les dévaliser, et on prétendait même qu’ils les faisaient cuire pour les manger ou les servir à leurs (autres) clients ! Tout ça était donc « très sympa », comme disent les djeunz. On a été jusqu’à raconter que le baron Haussmann, celui qui a refait Paris quelques années après, leur a échappé de justesse en s’enfuyant, mais c’était faux, il n’avait même pas dormi dans l’auberge – sinon, il aurait raconté sa mésaventure. Au procès, il n’y eut aucun témoin à décharge, ils étaient donc indubitablement coupables. Cette affaire a ainsi inspiré Balzac, mais également Albert Camus, pour Le malentendu. Oublions les auteurs de L’auberge des Adrets.

Toutes les pièces du procès ont disparu, mais les témoignages avaient été transcrits par un chercheur, Paul d’Albigny, avant 1886, et leur examen montre que les faux témoignages abondent, comme celui relatant une disparition en 1814, alors que l’auberge n’existait pas encore à cette date.

Ce qui a joué contre les prétendus assassins, c’était leur enrichissement, qui est resté inexpliqué. Ainsi que le fait qu’ils étaient bien vus des aristocrates et des bourgeois de leur région, mais qu’en 1830, à l’avènement du nouveau roi Louis-Philippe, l’attitude de l’administration à leur égard changea. Elle exhuma donc des ragots invérifiables, et les laissa condamner.

Par la suite, et comme la brillante institution judiciaire française n’aime guère se déjuger, on s’arrangea pour faire disparaître tout ce qui aurait pu donner lieu à une révision du procès, qui, au fond, avait été politique : Martin, en réalité, avait été un agent de la chouannerie, il était chargé de récupérer les propriétés vendues sous la Révolution, et sa fortune venait sans doute de là.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :