La Donation de Constantin

Publié le par Yves-André Samère

Une fois ou deux, j’ai fait allusion ici à la Donation de Constantin, qui fut l’une des plus grosses escroqueries concoctées par un pape, quoique on ignore lequel exactement. Rappelons que l’empereur romain Constantin ne s’est pas contenté de donner son nom à Constantinople et à Constantine – troisième plus grande ville d’Algérie, qui a conservé sa statue (bien laide) devant la gare, alors qu’après l’indépendance, les Algériens ont détruit toutes les statues que leur avaient laissées les Français –, il a également été cet empereur qui, converti à titre privé en 312 (du moins on le croit, alors qu’il avait continué d’adorer Sol Invictus, le Soleil invaincu, l’une des religions antiques), mais baptisé seulement sur son lit de mort en 337, a décidé de faire, de sa nouvelle religion, une religion d’État.

Or le Vatican, après sa mort, ne cessa de s’appuyer sur un document, faussement daté de 317, par lequel il aurait légué à l’Église chrétienne, en la personne du pape Sylvestre Ier, mort avant lui en 335, la pleine souveraineté sur Rome, l’Italie et l’Occident, et la primauté sur les quatre sièges principaux de la chrétienté à Antioche, Alexandrie, Constantinople et Jérusalem. Bref, le pape était légalement le chef d’État temporel, et non plus seulement religieux, de tout l’empire romain ! Il s’ensuit que tous les souverains et autres seigneurs du Moyen-Âge devenaient ses vassaux, et qu’il entretenait une armée pour défendre les fameux « États du pape ». Visitant Rome en 754, Pépin le Bref (c’était le père de Charlemagne) confirma cette donation.

Or c’était un faux !

Mais, pour que le scandale fût révélé, il fallut attendre quelques siècles. En 1440, Lorenzo Valla, humaniste romain, écrivit un texte, qui ne fut imprimé qu’en 1506, et qui dénonçait l’escroquerie, datant sans doute du huitième siècle, laquelle entérinait la mainmise effective du Vatican, avec la complicité des Carolingiens, sur ce qui subsistait de l’empire romain. Son livre, que j’ai lu et qui est édité en français (La donation de Constantin : Sur la donation de Constantin, à lui faussement attribuée et mensongère, aux Belles Lettres, 1993, disponible chez Amazon, hélas très cher), peut être considéré comme le premier ouvrage critique sur l’expertise des documents. Il y apostrophait le pape Eugène IV, et montrait que la langue employée dans la prétendue donation n’était pas d’époque, puisqu’elle était du bas latin du huitième siècle, donc postérieur de quatre siècles au moins : pour un testament censé écrit par Constantin en 337, c’était de l’ordre du voyage dans le temps ! Outre cela, cette donation bidon mentionnait les églises du Latran, de Saint-Pierre et de Saint-Paul-hors-les-Murs, qui... n’existaient pas non plus à cette époque. Enfin, Constantin, tout empereur qu’il était, n’avait pas le pouvoir juridique pour céder l’empire à qui que ce fût.

On ignore à quelle date ce faux a été fabriqué. Ce qui est certain, en revanche, c’est que l’Église en a copieusement profité. Le scandale fut énorme, Valla fut traîné devant l’Inquisition, et ne dut la vie sauve qu’à la protection d’Alphonse V d’Aragon. Il put s’enfuir à Barcelone.

Quelques années plus tard, après la mort d’Eugène V, chacun avait oublié l’histoire, et Lorenzo Valla put revenir à Rome, où le nouveau pape, Nicolas V, le nomma secrétaire apostolique. Au fond, il avait rendu service à l’Église ! On aurait dû l’élire pape...

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

Y
Horrible faute, maintenant corrigée. Et merci.
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T
2ème phrase: "ne s'est pas contenté"
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