« Le repas des fauves » à la télévision
Le 18 avril dernier, rendant compte de la soirée des Molières sur France 2 qui avait eu lieu la veille, j’avais écrit (ironiquement) ceci : « Excellente initiative, aussi, que de donner TROIS Molières à la même pièce, La nuit des fauves, ce qui nous a valu autant de discours de son adaptateur, lequel les a assaisonnés d’une vingtaine de “Bien évidemment” de la meilleure veine. On ne doit pas connaître le français, pour écrire des pièces de théâtre ? ». Et je m’étais trompé dans le titre, qui est Le repas des fauves, car j’avais mal écouté. Dommage, cela aurait pu me mettre plus tôt la puce à l’oreille, pour rester dans une ambiance théâtrale.
Il se trouve que cette pièce a été diffusée hier soir sur Paris Première, et que je l’ai regardée de bout en bout. Elle dure une heure et cinquante minutes environ. Huit acteurs, un décor unique agrémenté inutilement de projections en vidéo sur le mur du fond, puisque c’est à la mode, le tout filmé au Théâtre Michel, une petite salle que je connais très bien. On y joua du Montherlant, puis elle passa entre les mains de Marc Camoletti, qui y avait fait fortune avec sa pièce Boeing Boeing, jouée durant plusieurs décennies. Ce théâtre a encore changé de mains, mais on se demande si ce n’est pas pire à présent.
Argument : à Paris, durant l’Occupation nazie, sept amis fêtent l’anniversaire de Sophie, l’une d’entre eux. Mais deux officiers allemands sont tués dans la rue, devant l’immeuble, et un officier SS chargé de l’enquête exige qu’ils désignent eux-mêmes les deux otages qu’il fera fusiller immédiatement. On devine à ce résumé que la pièce sera un déballage de rancœurs et d’ignominies diverses, chacun tâchant de sauver sa peau en enfonçant les autres, mais aussi, puisque la pièce est une comédie (le public rit énormément), que les sept seront épargnés à la fin grâce à un truc de scénariste.
Ce type de synopsis, annonciateur d’une masse de rebondissements peu inattendus et de clichés auxquels en effet le spectateur n’échappe pas, était très en faveur au cinéma et au théâtre dans les années cinquante et soixante, et, si j’avais vérifié, j’aurais immédiatement découvert que c’était très précisément celui d’un film portant le même titre, réalisé par Christian-Jaque en 1964 ! Les acteurs principaux en étaient Francis Blanche, Dominique Paturel, Antonella Lualdi et Claude Rich. Le scénario adaptait un roman de Vahé Katcha, auteur mort en 2003, et le dialogue était d’Henri Jeanson, le meilleur scénariste-dialoguiste du cinéma français.
Mais si vous pensez qu’au générique de fin, il a été fait mention de ce détail insignifiant, vous vous trompez : il n’y avait rien.
Les acteurs, eux, étaient passables, à l’exception de celui qui jouait un aveugle, et qui se croyait obligé de lever sans arrêt les yeux au plafond et de cligner, pour bien montrer qu’il ne voyait pas. Mais enfin, on a connu pire, avec un des fils de Jacques Martin qui, le pauvre, dans une autre pièce, avait été obligé de loucher chaque fois qu’il était en scène. Il y a des directeurs vraiment sadiques.