« Les mille et une nuits »
J’ignore si vous avez lu Les mille et une nuits (traduction exacte de l’arabe Alf lailah oua lailah) ; et si oui, dans quelle édition. La pire de toutes est celle qu’on doit à Antoine Galland, la première qui fut faite en français. Il vivait sous Louis XIV, et a publié sa traduction entre 1704 et 1717, dans le style précieux de l’époque, donc terriblement convenable – en fait, il avait écrit lui-même certains contes, ceux des aventures de Sindbad le marin, d’Aladdin et d’Ali Baba. Pour tout dire, il ne connaissait rien au monde arabo-musulman. Hélas, pendant longtemps, son travail a été le seul qui permette aux Français de lire ces contes... et c’est la première version que j’ai pu lire.
Heureusement, aujourd’hui, il en existe bien d’autres. J’ai lu ensuite, dans la collection Bouquins, celle de Joseph-Charles Mardrus, qui publia entre 1899 et 1904. Elle est plus fidèle à l’esprit des contes d’origine, mais on la critique également beaucoup, car elle en rajoute abondamment dans l’orientalisme de bazar. Elle est en tout cas bien plus érotique que celle de Galland, et ne mâche pas ses mots, puisqu’on y déniche celui qui a servi de prétexte pour virer Didier Porte de France Inter. Ne m’obligez pas à préciser.
Il semble que la traduction de René Khawam, la dernière (années 1980), et la meilleure car l’auteur est un vrai connaisseur du monde dont il parle, soit à préférer. Mais celle-ci, je ne l’ai pas encore lue. Ça viendra. (Oui, le croiriez-vous, il existe des livres que je n’ai PAS lus. Stupéfiant !)
Deux remarques en passant. D’une part, ne prenez pas au sérieux le film de Pasolini qui porte le même titre : les histoires qu’il raconte n’ont AUCUN rapport avec les contes d’origine, il a tout inventé, en y mêlant une forte dose d’homosexualité. D’autre part, au Caire dans les années 90, le livre a été interdit ! Plus tard, en 2010, d’autres islamistes, qui s’intitulaient « Avocats sans frontières » (sic), attaquèrent une nouvelle édition et demandèrent son interdiction et la poursuite de ses éditeurs. Ce doit être rassurant, d’être défendu par de tels avocats. Comme disait à peu près le « procureur » Desproges au Tribunal des Flagrants Délires, « Je ne vous demande pas la condamnation de l’accusé, son avocat s’en chargera lui-même ».