Maton ? Et ta sœur ?
Ce soir, au Grand Journal de Canal Plus, était invité un jeune journaliste, Arthur Frayer, qui, durant plusieurs mois, a exercé la profession de gardien de prison, à seule fin d’écrire un livre, Dans la peau d’un maton, pour la publicité duquel il était présent. Il est resté sur le plateau de Canal Plus une dizaine de minutes. Autour de lui, Michel Denisot et ses acolytes habituels, Ariane Massenet, Jean-Michel Aphatie et Ali Baddou, plus un invité politique, Jean-Luc Mélenchon.
Eh bien, pendant ces dix minutes, pas une fois, pas une seule, les personnes dont on parlait n’ont été désignées par leur nom : des gardiens de prison. Le seul mot qui a été employé revenait sans cesse, jusqu’à l’obsession : maton, maton, maton. Tout le monde a donc oublié que ce terme est une insulte ?
Je vous vois venir, vous pensez que j’exagère, que je fais du cinéma, que je m’enflamme pour un mot employé par tout le monde et qui est passé dans le langage courant. Mais c’est précisément ce contre quoi je râle, et souvenez-vous de ce qu’écrivait George Orwell : que la dégradation du langage est la première étape de la dégradation de la pensée.
Mais faisons plutôt une expérience de physique amusante. Il y a bien deux ou trois homosexuels parmi les millions de gens qui me lisent. Eh bien, amis gays, imaginez qu’on invite à la télé un des vôtres, et que vous ne soyez désignés, pendant l’émission entière, que par les mots suivants : pédale, fiotte, pédé, enculé, si l’invité est un homme, ou gouine, goudou, brouteuse de gazon, camionneuse, etc., si c’est une fille. Vous seriez satisfait et ne râleriez pas ? Ça m’étonnerait.