Médecine privée à l’hôpital
Je le dis souvent : les idées simples sont généralement des idées fausses. Exemple d’idée simple : le fait que de grands médecins exercent à l’hôpital une activité privée est un scandale, ils profitent des locaux, de l’équipement et du personnel publics pour gagner de l’argent – beaucoup d’argent. Autrement dit, ils volent la collectivité.
Apparemment, c’est juste. En fait, non, c’est même idiot. Suivez le raisonnement.
La réorganisation de la médecine hospitalo-universitaire (puisque les grands médecins enseignent, le plus souvent) a été réglée par les ordonnances de 1959, sous De Gaulle par conséquent – et rappelons que De Gaulle, comme TOUS les présidents de la République, se faisait soigner à l’hôpital, Cochin dans son cas, un hosto ultra-réputé que je connais très bien. Pourquoi cette réorganisation ? Parce que les grands médecins, jusqu’à cette date, n’étaient présents à l’hôpital qu’à mi-temps, le matin : l’après-midi, ils exerçaient en clinique privée. Pour les maintenir toute la journée à l’hôpital, on a décidé que 20 % de leur temps serait consacré à leur activité privée. L’hôpital y a donc gagné quelques heures de leur journée.
Ce n’est pas tout. Prenons un malade qui se fait opérer à l’hôpital par un grand patron. En réalité, il va payer en deux fois : il règle sa quote-part, correspondant à l’opération, directement à l’hôpital (comme n’importe quel malade assujetti à la Sécu), plus un supplément au médecin. Or ledit médecin reverse à l’hôpital 40 % de ce supplément ! Sans ce système, l’hôpital n’aurait jamais vu la couleur de cet argent.
Outre cela, les patients privés des grands hôpitaux sont souvent des célébrités, qui font la réputation de l’hôpital. Se priver de cette publicité gratuite ne serait pas très malin.
Supprimer ce type d’organisation pousserait les grands médecins à quitter complètement l’hôpital pour se consacrer au privé, voire à... quitter le pays !