Menteur, Abraham !
Un rien m’amuse, car je suis un homme simple. Même si certains estiment que je ne m’exprime pas assez simplement. Ceux-là n’ont qu’à lire Nabokov, ils comprendront peut-être qu’on peut se divertir un peu et donner de temps en temps un coup de pied dans la fourmilière sans avoir à se préoccuper de ce qu’en pensent les pisse-vinaigre : écouter et suivre les avis des critiques, erreur fatale.
Le dernier détail qui m’amuse dans la Bible, avant que j’en déniche un autre, c’est ce qui est arrivé à ce pauvre Abraham, celui-là même que Dieu, selon l’Ancien testament, avait choisi comme héritier spirituel, après Moïse. Ainsi, au chapitre 20 de la Genèse, il est rapporté que ledit Abraham, l’oncle du fameux Loth qui dormait si bien, est parti s’établir dans le sud, à Guérar, en compagnie de sa femme Sara, en la faisant passer pour sa sœur. Or « Abimélec, roi de Guérar, fit enlever Sara », mais, avant qu’il ait eu le temps de lui infliger les derniers outrages, « Dieu lui apparut en songe » (verset 3) pour lui révéler que Sara était mariée, et qu’il allait donc mourir pour ce crime !
Bien sûr, Abimélec se défend, sur le mode Je-ne-savais-rien-de-tout-ça, ce qui était parfaitement vrai. Abraham « ne m’a-t-il pas dit “C’est ma sœur ?” et elle-même n’a-t-elle pas dit “C’est mon frère” ? J’ai agi avec un cœur pur et avec des mains innocentes » (versets 4 et 5).
Sur quoi, verset 6, Dieu admet qu’Abimélec n’a rien à se reprocher, donc lève la punition envisagée, ce qui prouve bien une fois de plus qu’il sait tout et ne se trompe jamais. On apprendra un peu plus loin que Sara était en fait la femme mais aussi la demi-sœur d’Abraham.
Mais ce qui m’intéresse dans cette anecdote, c’est, une fois de plus, la manière dont les femmes sont considérées dans la Bible. Ainsi, un homme peut enlever et posséder une femme si elle n’est pas mariée, sans aucunement lui demander son avis. Et Dieu approuve ces mœurs de sauvage.