Enjoliveurs-26 : technique et technologie

Publié le par Yves-André Samère

Petit rappel : dans ma nomenclature, j’appelle « Enjoliveurs » ces gens qui considèrent que les mots simples et compris de tous doivent être mis à l’écart et remplacés par des termes plus sophistiqués (serait-ce au prix d’un contresens), voire inexistants et que donc ils s’affairent à créer puis à lancer. Je cite souvent incontournable, vocable récent, et complètement inutile puisque DES DIZAINES de mots et expressions sont capables de dire la même chose et sont parfaitement assimilés.

Or, ce matin sur France Inter, j’ai entendu le meneur de jeu employer l’expression « nouvelles technologies ». Cet homme n’est pas un imbécile absolu, mais il se laisse influencer par les manies langagières de sa profession, et ne remet pas en question les termes qu’elle emploie à tire-larigot sans jamais s’interroger sur la validité de ses comportements. Mais il se trouve que technique et technologie ne sont pas du tout équivalents ! Et cette confusion que je dénonce ici n’est pas une lubie qui me serait personnelle, puisqu’elle a été dénoncée au milieu des années quatre-vingt par Alfred Sauvy, qui n’était pas précisément le dernier des imbéciles. J’en ai d’ailleurs déjà parlé il y a trois ans, mais je ne peux pas espérer que tout le monde a lu ma notule de l’époque, donc je la rappelle en la complétant. Débroussaillons.

La technique, c’est un procédé ou un ensemble de procédés permettant à des ingénieurs, puis à des ouvriers ou à des artisans, de construire ou de réparer un objet relevant de la mécanique (autrefois, et au sens large ; relevant aussi de l’électronique, aujourd’hui). Elle appartient au domaine matériel. On peut étendre l’usage de ce mot aux arts, en partant de la technique d’un sculpteur ou d’un violoniste, par exemple. En revanche, la technologie, comme l’indique l’étymologie de ce mot, c’est l’ÉTUDE des techniques, et elle appartient au domaine théorique. Dans un établissement d’enseignement technique, les élèves apprennent les techniques dans les ateliers, sous la conduite d’un technicien expérimenté (on l’espère pour eux), alors que le professeur de technologie n’a rien à faire dans un atelier, il apprend à ses élèves, dans une salle de classe, l’histoire des techniques, leur évolution, leur place dans notre civilisation, etc. Oui, je simplifie un peu, pour bien me faire comprendre. Lorsque, durant mes études secondaires, j’allais en cours de travail manuel pour y apprendre les techniques de la menuiserie, du travail du fer, ou de la reliure, je ne faisais pas de la technologie, et n’ai jamais entendu citer ce mot par qui que ce soit.

Petite remarque en passant : on peut parler DES techniques, car il en existe une kyrielle, mais il est absurde de parler « des » technologies (nouvelles ou pas !), car il ne peut y avoir qu’UNE étude des techniques.

On a donc éjecté du vocabulaire un mot parfaitement approprié, pour le remplacer par un autre terme qui lui ressemble, en plus compliqué, ce qui flatte le locuteur dans sa croyance de parler « bien » (Sartre aurait dit « bêtement »), mais qui ne dit pas du tout la même chose ! Inévitablement, les dictionnaires ont suivi et validé le tour de passe-passe. Mais ça, ce n’est pas une surprise.

Écrire ci-dessous une ânerie quelconque :

Y
Tout peut se soigner. Il y a quelques jours, je me suis fait épingler par un type plus savant que moi (et j’ai oublié à propos de quoi).<br /> <br /> De toute façon, on est toujours la cible de quelqu’un, alors il ne faut pas s’en faire pour si peu. Avant-hier, un aimable visiteur m’a comparé à Staline !
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J
Sache qu'il y a 3 ans, tu avais marqué mon petit esprit, et que je signale cet abus de langage dès que possible depuis. Mais le "merci d'avance" d'une note précédente, j'ai encore du mal à m'en<br /> débarasser.
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