Ministres juifs trop voyants
Je n’ai pas de sympathie particulière pour l’État d’Israël, et j’ai tendance à estimer que ce fut une belle boulette, de la part des Nations-Unies, que de permettre la formation d’un État sur une base exclusivement religieuse. De même que ce fut une belle hypocrisie, de la part des États arabes, que de donner de la voix pour soutenir par le verbe – toujours exclusivement – les Palestiniens qui furent un peu réduits au statut de réfugiés, alors que nombre desdits États arabes regorgent à la fois d’espace et d’argent, qui auraient permis depuis longtemps d’intégrer chez eux les réfugiés. Au lieu de cela, ils ont créé des camps et y ont parqué ceux qu’ils qualifiaient de « frères », et dont ils voulaient bien chez eux, mais derrière des barbelés – camps dont ceux de Chatila et de Sabra laisseront le meilleur souvenir aux amateurs de films d’horreur.
Je n’ai donc pas de sympathie particulière pour l’État d’Israël, ce qui ne signifie pas que j’aie de l’antipathie pour les Juifs. Bien au contraire. Né à Constantine, la ville la plus juive d’Algérie, je sais ce que c’est qu’un Juif, et je suis allé à l’école avec des Juifs – et aussi des musulmans, sans connaître aucun heurt. Or, de la part de nos gouvernants, ils ont quelquefois été traités de façon indigne. Par exemple en 1938.
Cette année-là, le ministre des Affaires étrangères du IIIe Reich vient en visite en France. Il se nomme von Ribbentrop, donc c’est un noble, et on n’a aucun noble dans notre gouvernement, donc on croit avoir affaire à un type bien. Oui mais voilà, quelque chose chiffonnait l’aristo nazi : la présence, dans le gouvernement français, de deux Juifs ! On n’allait tout de même pas lui imposer la présence de ces deux corps étrangers. Les deux ministres juifs furent donc priés de ne pas paraître pendant toute la visite de l’envoyé d’Hitler, lequel Hitler fut évidemment mis au courant, et sans tarder, de la docilité du gouvernement français. Dès lors, il avait les mains libres et pouvait envisager sa très sage politique sur « la question juive », à imposer deux ans plus tard à Pétain.