Mon arrondissement
Je vis dans le premier arrondissement de Paris, qui est l’un des plus anciens, puisqu’il fait partie des quatre les plus centraux. C’est aussi l’un des moins étendus. Pour la surface, il est classé quatrième, le moins étendu étant le deuxième, qui n’atteint même pas un kilomètre carré. Mais il possède la population la plus faible des vingt arrondissements de la capitale : seulement 17 808 habitants, à peine 1/125 de la population totale, et le seul dont la densité tombe au-dessous de dix mille habitants au kilomètre carré.
Cette faible densité s’explique par le fait qu’une bonne partie de sa surface est occupée par ces endroits où personne n’habite, surtout le Louvre et le Jardin des Tuileries – sans compter les Halles, occupées uniquement par un immense centre commercial sans aucun résident, et les quatre bâtiments de l’ex-Samaritaine, en pleine rénovation eux aussi.
Le maire de l’arrondissement est Jean-François Legaret, qui est là depuis 2000 et avait vaguement songé à se présenter aux élections municipales de l’année prochaine, mais à qui la chère NKM a coupé l’herbe sous le pied. Pourtant, il est un peu moins ridicule que la pauvrette, qui va directement à l’abattoir mais ne le sait pas encore – ou alors, on n’a pas osé le lui dire.
M. Legaret, qui est de l’UMP, n’hésite jamais à m’écrire, à la moindre occasion, comme à tous les résidents de l’arrondissement. J’ai du reste raconté qu’un jour, il m’avait écrit deux fois, sous deux prénoms différents. Il peut, cela ne lui coûte pas un centime, les lettres sont affranchies à nos frais. Mais il écrit aussi aux ministres, pour se plaindre de la « mendicité agressive », comme il dit (c’est celle des jeunes originaires des pays de l’Est, qui ont l’audace de mendier y compris à l’intérieur du Louvre – ce qui prouve qu’ils ont eu les moyens d’y entrer). Les ministres, en tout cas celui de l’Intérieur et celle de la Justice, lui ont répondu, et M. Legaret a publié leurs réponses. Elles sont à peu près identiques : on a lu sa réclamation avec beaucoup d’intérêt. Manuel Valls rappelle qu’il a fait évacuer quatorze « campements illicites » à Paris depuis le début de l’année, et fait nommer « une vingtaine de patrouilleurs roumains » ; tandis que Christiane Taubira, qui regrette que « ces jeunes avaient pris l’habitude de se confondre avec la foule de touristes en adoptant des tenues vestimentaires rendant difficile leur identification », et que les recherches n’ont pas permis de repérer ceux qui les téléguident dans la voie de la délinquance, jure néanmoins que le parquet « suit avec toute la diligence requise les enquêtes diligentées », ce qui montre que son érudition dans la fréquentation des grands poètes lui a permis de bien maîtriser son style.